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FEV
2018
Réunion « Culture et Politique de la Ville »
Discours de M. Marc-Antoine JAMET, Maire de Val-de-Reuil.
Mardi 6 février 2018 – 18h00
Théâtre de l’Arsenal – Val-de-Reuil
Notre réunion est la bienvenue malgré la neige qui lui donne ce petit air tchékhovien. Est-ce un effet de mon grand âge, mais son intitulé tient pour moi du faire-part de deuil plus que de la promesse d’une renaissance. Il suffit de prendre les deux termes qui font l’intitulé de cette discussion : la Ville et la Politique.
La Ville ? Je me demande chaque jour davantage si, au temps de l’argent rare, des économies imposées, des coupes et des restrictions, la Ville est encore capable de donner une place à la culture, d’en faire une priorité, de la considérer comme un indicateur et un marqueur d’identité, de crédibilité, de légitimité ou de visibilité. Nous sommes dans un département où on ferme des collèges et où on diminue les crédits de l’action artistique, où le théâtre du chef-lieu depuis des années ne rouvre pas, où la scène nationale, de petit Cadran en grand Forum, joue dans des salles polyvalentes.
Je ne suis pas certain à l’heure de la « start-up nation », alors que professeurs et créateurs ont déserté les mouvements politiques pour laisser la place aux apparatchiks et aux chefs d’entreprise, tandis qu’une communication creuse et agressive règne en maître sur les réseaux sociaux, qu’un discours sur la culture existe lace en politique.
Les cinémas ferment. Les théâtres sont moins nombreux. La lecture recule. Les mécènes financent les expositions davantage que la réunion des musées nationaux. Les ministres ignorent tantôt le nom de Modiano, tantôt ce que doit être le service public de la télévision et de la radio. Quelqu’un, quelqu’un d’ici, connaît-il seulement le nom d’un parlementaire, d’un seul qui se préoccupe de cette question ?
Où est le grand projet ? Où est le grand dessein ? Où est le rêve ? France, mère des armes, des arts et des lois, tout cela est envolé. Les comparaisons sont cruelles tant on a du mal à trouver aujourd’hui l’équivalent de ce qui fût. On pense aux cathédrales édifiées par Malraux à Grenoble, à Bourges, à Saint-Etienne. On revoit Jacques Duhamel prêtant sa canne à Chaplin en clôture du festival de Cannes. On se souvient du travail de Michel Guy pour favoriser la musique et la danse. On songe à ce qu’a fait Jack Ralite à Aubervilliers avec le Théâtre de la Commune. On regrette, pourquoi ne pas le dire, Jack Lang, peut-être pas la fête permanente et tous grands travaux, mais certainement l’amour de l’intelligence et du beau au service d’un souverain qui aimerait les artistes et les livres.
Pardonnez ma mélancolie. Je suis né d’un père critique de théâtre, comme son père, et d’une mère comédienne au théâtre du soleil. La salle, chaque soir de la semaine, la scène le week-end, ont été le décor de mon enfance et de mon adolescence. Cela forge une conviction. La mienne est restée rudimentaire. Pour développer l’esprit critique, pour donner un sens à la citoyenneté, pour combattre la radicalisation, pour donner le goût de l’école, la culture est un rempart et un tremplin.
La présence du service public, qu’il soit éducatif ou culturel, est indispensable à la cohésion sociale, à l’intégration de toutes les populations, au développement du sentiment d’appartenance à une même communauté. La culture est un outil extraordinaire pour favoriser cette émancipation. Elle est encore plus indispensable dans une ville qui n’a que 40 ans. Elle est encore plus essentielle dans une commune qui compte près de 60 nationalités différentes.
La culture, c’est l’outil qui rassemble et qui unifie, c’est notre bagage fondamental contre le repli sur soi et la tentation du communautarisme. C’est ce qui permet de se découvrir et de s’accepter. C’est ce qui apprend à cultiver nos différences sans les redouter ou les appréhender.
Elle est un repère et un combat parce qu’elle permet à une communauté humaine de se reconnaitre en termes de valeurs, de pensées et d’engagements, de langue, de lieu et de vie, de pratiques, de traditions et de croyances, de vivre ensemble, d’imaginaire collectif, d’histoire et de mémoire. Elle est la patrie, elle est la nation, elle est le monde.
Elle évite les anachronismes et permet de rappeler que Louis XIV fût, en même temps, un grand roi et un épouvantable tyran, Napoléon 1er, un homme d’Etat et un boucher, tous les deux fort peu féministes et certainement parfaitement racistes, mais comme l’essentiel de leurs contemporains. Elle guérit des peurs et permet de commémorer Maurras en sachant qu’il fût un fieffé fasciste et d’éditer Céline en connaissant son abjection antisémite plutôt que de les cacher dans un placard.
A Val-de-Reuil, nous sommes partisans des additions et non des soustractions. Ici cohabitent un menhir, les murs pignons de Proweiller, Tomasello ou Cueco, et l’arbre de la liberté de Christian Zimmermann, la Compagnie Nationale de Danse Beau Geste, la Maison de la Poésie en Normandie, Le Théâtre de l’Arsenal, scène désormais conventionnée d’intérêt national grâce au soutien de la DRAC, Marie Nimier Prix Renaudot, le souvenir des tournages de Rohmer et l’ombre des Tréteaux de France.
Cette présence, unique dans notre département, ne suffit pas. Pour que les habitants de nos quartiers franchissent le pas, se rendent dans nos théâtres, inscrivent leurs enfants au conservatoire, s’initient à l’écriture et la lecture de la poésie, pénètrent dans nos salles obscures, il faut multiplier les actions en direction de la population. C’est ce que nous faisons.
En se rendant dans les classes de nos écoles, de nos collèges et de notre lycée, pour aller à la rencontre des élèves. C’est ce que fait notre Théâtre en construisant avec les enseignants des parcours de découverte et d’initiation à ses spectacles, c’est ce que fait notre conservatoire en développant la pratique de la musique et de la danse dès le plus jeune âge, c’est que fait la Factorie en s’associant à des classes de collèges sur des projets pédagogiques de très grande qualité. C’est ce que fait notre Cinéma en proposant, chaque été, à la nuit tombée, 30 soirées de cinéma populaire et engagé après avoir emmené pendant près d’un mois des centaines de jeunes à s’initier au maniement de la caméra. La culture passe par l’école et comme l’école, la réussite de son action, s’établit dans la proximité.
Nous le faisons également en accompagnant l’émergence de nos jeunes talents, grapheurs, slameurs, photographes, danseurs de hip-hop, musiciens ou chanteurs, en leur attribuant des lieux pour se développer, pour élaborer leurs projets, pour se faire connaitre et se mettre en scène comme notre ancien Théâtre des Chalands devenu Maison de la Jeunesse et des Associations ouverte le soir, le dimanche. J’ai entendu que l’Etat était prêt à nous accompagner dans cette démarche et je m’en réjouis.
Nous le faisons aussi en encourageant une culture diffuse qui s’adapte aux différents publics et s’établit hors les murs en soutenant, par exemple, l’initiative étonnante des Bourlingueurs, collectif d’artistes et d’artisans venus de toute la Normandie, qui, le temps d’un week-end, s’approprie l’Ile du Roy, la transforme, l’anime et donne à notre population un peu de leur énergie, de leur confiance et de leurs idées.
Nous le faisons enfin, et nous avons encore à le développer, en multipliant les partenariats et les associations. Je disais que nous avions la chance de compter à Val-de-Reuil sur le réseau d’acteurs culturels le plus riche et le plus dense de notre département. N’hésitons pas à croiser nos initiatives et à les rassembler. Lorsque nous le faisons, nous en voyons les réussites. Lorsque le Théâtre invite le Cinéma pour des Ciné-Débats, cela fonctionne. Lorsque le Conservatoire occupe notre Théâtre pour son Festival des Caméléons, c’est un succès. Lorsque la Compagnie Beau-Geste et l’Ephéméride accompagnent les Bourlingueurs, c’est un triomphe. Développons ces moments de partage. Allons plus loin encore. C’est le souhait que je voulais ce soir formuler.
A Val-de-Reuil, nous avons une exigence. Celle de proposer aux publics l’excellence. J’observe parfois, dans certaines communes, pas très éloignées de l’endroit où nous nous trouvons, une sorte de renoncement. Il faut accumuler les têtes d’affiche, se cantonner à un théâtre qui ne serait que pur divertissement. Je crois que c’est une erreur. Ne renouons pas avec ce qui fut il y a quelques années un échec. Les tournées Karsenty nous en ont montré les limites. Lorsque l’on prend la peine d’investir dans la culture, lorsqu’on construit des ponts entre le public et nos établissements culturels, les bénéfices n’en sont que plus grands. La confiance des partenaires ici présents en est peut-être le témoignage. Cela peut parfois sembler difficile. Cela peut paraitre risqué. Cela peut s’avérer long à porter ses fruits. Mais, lorsque l’on fait confiance aux acteurs culturels, qu’on leur donne les moyens d’exister et de se produire, le résultat est au rendez-vous.
La force des acteurs culturels, la place qu’ils occupent dans la ville, la liberté dont ils bénéficient pour se développer sont des atouts sur lesquels s’appuyer pour se transformer, se moderniser, attirer et se renouveler. C’est une des plus belles cartes à jouer pour accompagner et renforcer la mixité. Etat et collectivités doivent continuer à miser sur la culture lorsqu’ils réfléchissent à la future politique de la ville. S’il y a, ce soir, des exemples à suivre pour en bâtir les futurs fondements, nous serons heureux de les expérimenter.
26
JAN
2018
La dame de la sécurité sociale.
par Marc-Antoine JAMET, Maire de Val-de-Reuil
Elue de Val-de-Reuil depuis presque vingt ans, Noëlle Boudart nous a quittés. Notre collègue, notre amie, est décédée mercredi 24 janvier, dans la matinée, des suites de la douloureuse maladie qui lui avait été diagnostiquée quelques semaines auparavant. Cruel, le mal l’a emportée très rapidement. Trop rapidement. Elle venait juste d’avoir 69 ans et ne demandait qu’à vivre. Pour être utile. Pour aider les autres. Pour voir grandir les siens.
Noëlle était pour notre équipe une mémoire et une vigie. Des deux dernières décennies de la Ville nouvelle, elle avait connu chacun des instants, surmonté tous les obstacles, participé aux réussites. Dès 2000, elle avait rejoint avec enthousiasme – elle aurait voulu que nous le rappelions – notre liste « Changer la Ville, améliorer la Vie ». Elle était persuadée que Val-de-Reuil, qu’elle aimait et où elle vivait depuis les années quatre-vingts, à deux pas de la route des Sablons, devait évoluer, se transformer ou bien sombrerait. Très attachée à la Cité Contemporaine, elle ne voulait y voir prospérer ni la misère, ni la violence, ni le chaos. Pour les combattre, elle s’était donc engagée à nos côtés. Spontanément. Elle s’était mobilisée. Entièrement.
Prenant naturellement la place qui était sienne, elle s’est alors jetée sans retenue, sans réticence, sans réserve, dans une aventure où tout, diminuer la dette, stopper les impôts, relancer l’investissement, tenir notre rang, ramener la sécurité, paraissait pourtant, à l’époque de ces temps héroïques, incertain et compliqué. Dans cette lutte, sa volonté, sa sincérité et sa loyauté ne se sont jamais démenties. Elle ne voulait pas, en dépit des années, du plaisir qu’elle avait à rejoindre sa fille près d’Avignon, son fils au Proche-Orient, quitter le bateau ou lever le pied. Il lui restait du travail. Elle voulait le faire. Ce n’était pas une occupation, mais une nécessité et une passion. Tout simplement.
Parce qu’on se voyait davantage, parce qu’on parlait plus, parce qu’on partageait des anecdotes, des fous-rires ou des idées, Noëlle aimait bien les campagnes électorales, les meetings politiques, les réunions d’appartement, les distributions de tracts à la gare ou sur le marché, le porte-à -porte, ces rencontres où il faut convaincre en quelques minutes, ces soirées où il faut réunir des centaines de participants, ces moments de fraternité où on se retrouvait, après, fourbus, mais proches et heureux, devant un énième café, autour de la table en bois de la permanence de la rue Grande. Elle appréciait aussi les voyages de jumelages au cours desquels elle représentait notre pays et sa culture à Workington ou à Ritterhude. Nos interlocuteurs demandaient à ce qu’elle revienne plus fréquemment. Elle participait avec un plaisir non dissimulé à ces journées républicaines où, au bureau de vote (qu’elle tenait avec un mélange de fermeté et de sourire), on voit défiler les électeurs qui déposent dans l’urne un bulletin. Elle n’aurait pas manqué une fête, un repars partage ou une manifestation de solidarité. Elle était fière d’appartenir au Parti Socialiste, celui de Jaurès, Blum et Mitterrand, poursuivant une vie professionnelle bien remplie par une vie militante qui ne l’était pas moins. Nous partagions les mêmes valeurs. En me souvenant de nos derniers mots au CHU de Rouen, mots que, obstinément, nous avions voulu légers, gais, amusants, je regrette que ces moments aient été trop brefs.
Mais Noëlle ne nous avait pas rejoints pour regarder passer les trains. Elle comprenait ce qu’était l’action, les sacrifices qu’il fallait faire, les conversations auxquelles il faut renoncer, le temps personnel qui s’amenuise, et, elle-même, souhaitait avoir un rôle moteur. C’est ainsi qu’elle avait accepté de s’occuper de la vie scolaire et de la petite enfance tout au long de notre premier mandat et, depuis 2008, d’avoir en charge l’état-civil afin, pour notre communauté, de veiller à ce que soit tenue, scrupuleusement, la chronique des naissances, des unions et des disparitions. Référente du conseil municipal pour l’école Léon Blum, elle était aimée des élèves et de leurs maîtres. N’était-elle pas la grand-mère aimée de cinq petits enfants ? Ce sentiment ne faiblissait pas au passage des générations et en témoigne la peine des deux directeurs de ce Groupe Scolaire lorsqu’ils ont appris qu’ils ne la verraient plus.
Noëlle était donc une figure importante de notre vie municipale. Mais, au-delà , elle était un repère et un recours pour de nombreux habitants qui venaient lui confier leurs problèmes matériels en Mairie. Dans le cadre institutionnel du CCAS où elle siégeait ou, de manière conviviale, à la volée, au rez-de-chaussée de la Mairie, toujours disponible, elle les écoutait, attentive et bienveillante, mettant tout en oeuvre afin de faire disparaître leur peine, de soulager leurs angoisses, de trouver des solutions. Pendant longtemps, autant, sinon plus que maire-adjointe, elle est restée aux yeux de beaucoup la « dame de la sécurité sociale », celle que l’on va voir quand la maladie, la vieillesse ou la famille préoccupent. Il est vrai que, dans un métier exigeant, elle avait intégré la caisse de l’Eure, en 1978, à Gaillon d’abord, puis à Evreux et à Louviers, enfin à Val-de-Reuil, recevant au fil d’une carrière tournée vers les autres des milliers de normands.
Noëlle était née en Arles, le 12 janvier 1949, et aimait la terre de Provence qui était celle de ses parents, même si – disait-elle – la Normandie lui avait fait perdre son accent. La vie ne lui avait pas toujours été très tendre, mais elle ne se départissait pas pour autant de la bonne humeur qu’elle offrait aux visages qui lui étaient avenants. Du sud, elle avait conservé une élégance agréable et joyeuse dont on remarquait le caractère étudiée en la connaissant. Sur ce point elle aimait les compliments. Elle pensait retourner « un jour » vers Saint-Pons-la-Calme, en Vaucluse, au nord-ouest d’Avignon, dans cette commune où reposent son père, sa mère et sa grand-mère Plagne. Elle parlait du Gard de sa aïeux Plantevin, du soleil et du mistral. C’est là qu’elle va reposer. Sur son cercueil, rappel du dévouement qui a été le sien pour Val-de-Reuil, du temps et de l’énergie qu’elle y a consacrés, ses enfants ont disposé une photo d’elle avec son écharpe devant la Mairie. Elle y tenait. Nous aussi.
3
DEC
2017
Front National contre Fonds Régional,
à l’art l’extrême droite continue décidément de préférer le cochon !
Attentif à m’éviter les publicités pour chaussettes et les petites annonces grivoises, le filtre anti-spams de mon ordinateur vient à l’instant de laisser passer une lettre affligeante, consternante, délirante d’un certain Philippe Fouché-Saillenfest, médecin de son état, dont j’apprends du même coup qu’il serait non seulement conseiller régional FN de Normandie, mais aussi administrateur du FRAC de Caen. Ce dernier point est à vérifier puisque notre docteur, à qui Google fait porter une élégante barbichette IIIème République, avoue sans ambages détester l’institution qu’il est censé servir. Son courrier est, en effet, un long cri de désespoir. Siéger dans un aéropage favorable à une création cosmopolite et décadente est une souffrance. Le Président Hervé Morin ayant récemment supprimé les châtiments corporels, ma première réaction a été de m’étonner qu’un collègue d’ordinaire plutôt mutique se soumette à ce masochisme intellectuel auquel nul le contraint. Nous étions un dimanche matin. Je n’allais pas à la messe. J’ai poursuivi la lecture de son courrier. Ne disposant d’aucun appareil de datation au carbone 14, je confesse ignorer la période de la préhistoire au cours de laquelle il fût rédigé. Très certainement avant Lascaux.
Quoi qu’il en soit, je résume son propos : il faudrait que notre « Fonds Régional d’Art Contemporain » n’achète – selon lui – que les Å“uvres d’artistes français, voire régionaux. Bref, nous devrions en faire un « Front Contemporain d’Art Régional ». A bien y réfléchir, le « temporain » me paraît ici de trop. Le propos tient en un slogan qui a le mérite de la simplicité : « non à la peinture à l’huile, oui à la peinture au beurre (ou à la crème) ! ». Il ne faudrait montrer que ce que nous connaissons déjà , ce qui nous rassure, en fait ce qui nous réduit et nous enferme. Nos intelligences et nos talents hexagonaux seraient si faibles qu’ils ne sauraient se mesurer à la concurrence internationale. Ce n’est pas la première fois que ce prurit nationaliste semble chatouiller l’aimable docteur Knock que le Front National oblige à la fréquentation des muses. Un seul remède au naufrage imminent de l’occident : il faut organiser dare-dare un protectionnisme de la culture, quitte à favoriser celui de la laideur et de la bêtise. Vision étroite d’une planète à l’heure numérique. Vision étroite tout court. Absence de vision en fait.
On ne rappellera pas à notre carabin tricolore, cela afin de lui éviter une attaque d’apoplexie, que Jack Lang, en son temps, décida d’un ensemble de mécanismes et de mesures efficaces (d’achat, de commande, d’éducation, de bourse…) qui visaient à préserver notre exception culturelle et que cela reste une réussite. On ne soulignera pas que le même internationalisme dégénéré vient de permettre au Louvre d’Abu Dhabi, hymne à Watteau, David Manet et Cézanne, de surgir des sables. On n’osera avancer (des gouts et des couleurs !) que Thomas Struth est considéré comme un immense artiste dans le monde entier et qu’on devrait se réjouir, plutôt que s’affliger, que le FRAC de Normandie ait eu les moyens d’acquérir le tirage d’une de ses photos. Je remarque d’ailleurs qu’il est allemand et qu’au Front National on ne détestait pas naguère les peintres du dimanche ressortissants de Germanie à condition, il est vrai, qu’ils portent une petite moustache.
Mais redevenons sérieux. Appliquons-nous les œillères intellectuelles qui entravent le regard de notre bon médecin lepéniste (qui devrait également proposer, s’il était logique, de ne soigner nos maladies nationales que par des médicaments français…). Imaginons que la règle qu’il voudrait voir adoptée en 2017 ait été appliquée depuis quelques siècles. Elle aurait empêché à François 1er de « bêtement » s’enticher d’un certain Léonard de Vinci, épouvantable rastaquouère italien. Elle aurait évité à Marie de Médicis, elle-même étrangère il est vrai, de polluer nos précieuses collections des Rubens d’outre-quiévrain. Elle aurait mis un peu de plomb dans la tête de Louis XIV, ce demi espagnol, et de Napoléon 1er, ce tout juste gaulois qui, à quelques mois près, restait génois, d’encombrer nos cimaises de Raphael, Greco, Botticelli et autres métèques efféminés. Pourquoi n’avons-nous pas reconduit en temps et heure Modigliani, De Kooning, Foujita, Van Gogh, Mondrian, d’autres encore et pas des moindres, à la frontière. Combien de temps, cet artiste sans talent appelé Picasso continuera-t-il aux yeux du monde à passer pour un peintre français ? Le scandale n’avait que trop duré. Heureusement le docteur Fouché le bien nommé était là . Dorénavant on n’achètera plus en Normandie de tableaux que de Nicolas Bay, Louis Aliot et Steve Briois pour les montrer à nos enfants ! Ainsi, grâce à ces esthètes « au front de taureau », les vaches seront-elles bien gardées…
Communiqué de Marc-Antoine JAMET
Président de la commission des finances de la Région NormandieÂ
29
NOV
2017
Discours de Marc-Antoine JAMET
 Remise de l’Ordre National du Mérite à Madame Colette Salamone
Ferme de la Salle – Val-de-Reuil
Vendredi 24 novembre 2017 – 18h00
Chers amis,
Nul ne s’étonnera que nous soyons réunis, ce soir, dans cette solide ferme de la Salle, longtemps refuge des Tréteaux de France, car on dit que, par les soirs de vent puissant, les grandes voix de l’éloquence dramatique s’y feraient encore entendre. Je vous préviens, Colette Salamone, il va vous falloir accepter que votre modestie naturelle supporte les mots de la reconnaissance et de l’hommage qui vous sont dus.
Nul ne s’interrogera sur votre présence à Val-de-Reuil, symbole du mariage entre tradition et modernité, entre passé et avenir, car cette union qui caractérise la plus jeune commune de France est la justification parfaite, Colette Salamone, de l’infidélité ponctuelle que vous faites à Grand Quevilly où vous vivez dans une rue qui porte – il n’y a pas de hasard – le nom du fondateur du New Deal qui fit oublier le jeudi noir et la crise de 1929 à l’Amérique. Aimable présage….
Nul ne sera surpris puisque nous nous trouvons autour de vous, Colette Salamone, figure qui rassure, figure qui rassemble, figure qui ravit pour ce rendez-vous implicite que vous nous avez donné en mai dernier quand, avec la complicité du délégué du Préfet dans la Ville Nouvelle, Jean-Salem Sakkriou, vous avez rejoint la promotion de l’Ordre National du Mérite.
Nul ne s’inquiètera de notre humeur, de votre état d’esprit, Colette Salamone, car cette cérémonie est celle de l’emploi durable et du service public, celle de l’amitié personnelle et du bien public, celle du mérite éclatant et de la République Une et indivisible, sociale et laïque. Nous y avons tous notre place au titre des liens d’estime que nous entretenons avec vous, mais aussi de la citoyenneté qui fait de nous des « enfants de la Patrie » sans discrimination de sexe, de race, d’origine et d’opinion.
Cet instant sacré où vous allez être épinglée n’a qu’un seul but en effet : fêter une femme que nous estimons et dont le nom évoque tout à la fois un poisson intelligent au point de savoir remonter les courants pour retrouver la source où il est né et ce roi biblique passé maître dans l’art du jugement. On a connu parrains plus embarrassants !
Nous pourrions dresser votre portrait très personnel, révéler que vous êtes, derrière une façade on ne peut plus respectable une épicurienne, passionnée par l’art et la culture, que vous avez fait du théâtre pendant plusieurs années et présidez toujours, aujourd’hui, me dit-on, aux destinées d’une association dont c’est précisément l’objet, que vous fréquentez avec une certaine assiduité les réseaux sociaux, armée d’un vrai courage dans vos « likes » comme dans vous « retweets ». Est-ce vraiment l’occasion de savoir que vous vous adonnez à d’ésotériques passe-temps comme la musculation-fitness ou la dégustation de Beaujolais à laquelle vous avez sacrifié récemment. Qu’on ne prétende pas le contraire, j’ai la preuve à travers quelques images de ces libations bacchanales.
Mais, respirez Colette, la présence de Jean-Pierre, votre conjoint, d’Agathe et d’Alice, vos deux filles, me ramène à la sagesse et à en rester au volet avouable de vos activités.
Nous allons mettre en exergue votre travail au service du travail des autres.
Nous allons évoquer la cohérence de votre parcours dans les rangs d’un unique établissement parfois décrié (il m’est arrivé de le faire), toujours exposé (car la question qu’il traite, avant même celles du logement ou de l’école, est cardinale), parfois oublié (quand on élève des statues à des micro-organismes certes exemplaires, mais qui n’ont sorti du chômage qu’une poignée de bénéficiaires, tandis que Pôle Emploi gère le devenir de millions d’êtres humains). Je ne tairai d’ailleurs pas plus longtemps ce que d’aucun, le considérant comme le meilleur, aurait gardé pour la fin. Je vais spoiler : vous avez ramené ici 3474 chômeurs vers l’emploi, c’est à dire vers la vie.
Nous allons dire pourquoi il est parfaitement légitime que cette décoration vous soit octroyée.
Mais, pour décrire Colette Salamone, énergique et persévérante, créative et coopérative, sans doute faudrait-il commencer par dire les valeurs qui sont les siennes. Ses collègues (notamment l’une d’entre elles, qui a grandi à Louviers et s’envole bientôt pour la Tunisie, Marlène Peyruttie) et ses chefs (vous me pardonnerez d’avoir consulté votre patron, – même à Pôle Emploi, il y a un patron – mon ami Jean Bassères), tous sont unanimes pour chanter vos louanges, ce qui pourrait presque paraître suspect. Fait-on de bons discours avec de bons sentiments ? Et bien oui. Notre soupçon serait infondé car Collette Salamone, c’est un de ses paradoxes personnels qu’elle tient secret, a juré de mettre fin au CDI d’une femme un peu âgée, un peu classique, un peu collet serré, mais toujours séduisante, Marianne, en remplaçant le fameux triptyque associé à la célèbre phrygienne dépoitraillée, « liberté, égalité, fraternité », par la devise qu’elle a construite sur ses propres vertus : loyauté, intégrité, crédibilité.
J’aurais pu y ajouter la solidarité, car les valeurs que j’ai citées ne sont pas, chez elle, incarnées par du creux ou par du vide. Elles s’articulent autour d’un défi fondamental : aider les faibles, rassurer ceux qui doutent, accompagner les transitions professionnelles de ceux qui en ont le plus besoin. On me dit qu’enfant votre père avait décelé en vous les qualités d’une future avocate. Je crois, chère Colette Salamone, que ses vœux se sont exaucés car, en étant une militante de l’emploi, vous plaidez chaque jour pour plus de justice sociale dans notre pays.
Cette course d’obstacles, elle l’a expérimentée par elle-même. En 33 ans, date peu croyable à voir votre jeunesse souriante, depuis ce jour de 1984, un 1er décembre (nous en sommes proches), où elle a été embauchée au sein de ce qu’on appelait alors l’Agence Nationale Pour l’Emploi comme agent administratif au CRA de Haute Normandie, Colette Salamone aura progressé en passant par toutes les fonctions de terrain et de proximité. Vous aimez le réel. Vous aimez le concret. Vous avez été servie. Vous serez ainsi conseillère, à partir de 1989, dans plusieurs agences de Normandie, Maromme notamment, puis animatrice d’équipe à Elbeuf, avant de rejoindre Rouen/Saint-Sever à partir de 2002. Le 1er janvier 2004, dans le charmant jargon qu’aime à utiliser l’administration, vous devenez cadre opérationnel et le 1er mars 2005, vous êtes mutée à Val-de-Reuil/Louviers comme Directrice d’Agence titre plus compréhensible par le commun des mortels, pardon des usagers ou, comme on dit maintenant, des clients. Vous allez rester douze ans dans la circonscription de Pierre Mendès France. 1984, année où, revenant du service militaire, je m’inscris à l’ANPE. 2017, année où je prononce votre éloge alors que Emmanuel Macron promulgue les ordonnances réformant la loi Travail. Une boucle est bouclée entre vous et moi.
Mais reprenons la route de Louviers. C’est une tâche importante qui vous y attend. L’agence compte environ 60 personnes, dont 4 managers et 1 RRA. Ce ne sont pas de petits effectifs. Il va falloir, qui plus est, à la fois les déménager, ce qui n’est jamais une mince affaire, dans les locaux joyeusement staliniens de la CASE et les fusionner en rapprochant la vieille ANPE des respectables ASSEDIC pour créer le pimpant et chatoyant Pôle Emploi. Cible atteinte car, quand on regarde leur propre parcours, on s’aperçoit que vos collaborateurs ont souvent été promus ou ont progressés, parfois jusqu’à devenir responsables d’agence. Mais ces tâches de gestion, aussi importantes soient-elles, ne sont rien à côté des challenges qui vous ont mobilisés.
Il va vous falloir, dès votre nomination, prendre à bras le corps un territoire certes industriel et producteur de richesses, le plus dynamique du département de l’Eure, mais aussi une population fragile, immigrée, qui a connu de redoutables catastrophes entrepreneuriales, citons rapidement et pudiquement De Carbon ou Cinram, une population qui souffre du fracassage social qu’entraine la différence entre son niveau de formation et les niveaux de qualifications exigés des usines, des laboratoires, des data centers qui les entourent. C’est d’ailleurs en peu de mots le résumé de la tragédie que vit Val-de-Reuil, commune au Maire de laquelle vous avez fait l’honneur de demander de prononcer ce discours ce qui n’était sans doute pas sans une intention cachée. Un jour, un demandeur d’emploi entrera dans vos bureaux, bidon d’essence à la main, et menacera de s’immoler ! Terrible épreuve pour lui évidemment, pour vous également. Sa détresse est à certains égards devenue la vôtre. Pourtant vous ne renoncez pas.
Vous allez, Sisyphe au féminin, vous atteler à cette tâche exaltante et épuisante en ayant toujours au cœur une éthique : respecter des hommes et des femmes dans l’ennui, dans la peine, dans l’angoisse en leur prodiguant des solutions pleines d’humanité et de bienveillance. Vous avez fixé comme horizon à votre équipe de ne pas renoncer à un accompagnement de « qualité », de veiller à être moderne en étant digitaux et numérique, de ne pas être indifférents à l’agonie des vieilles manufactures sans négliger la Nation de Start-ups que le Président de la République appelle de ses vœux.
Place Thorel, chaque jour suffira « à peine à sa peine ». Vous allez contribuer activement à la mise en œuvre de la convention nationale « Accompagnement Global », au Plan Apprentissage, à la mesure Action 89, mettre en place des initiatives locales spécifiques, en lien avec les deux cités ennemies et jumelles, la drapière et la contemporaine. Je veux m’attarder notamment sur l’action « Kit emploi » qui visait à un cofinancement d’actions permettant le retour à l’emploi durable ou à une formation qualifiante pour les demandeurs d’emploi de longue durée, qu’ils soient jeunes ou séniors. Je pourrais parler des Etats Généraux de l’Emploi que vous avez contribué à monter au Stade Jesse Owens et qui accueille tant de lycéens en quête d’une orientation, d’une vocation, d’une solution. Je me souviens du projet « matelot » monté avec le CNAM qui envoya bourlinguer avec un vrai métier des fils d’agriculteurs et d’ouvriers. Je ne veux pas non plus passer sous silence l’installation d’un site du célèbre sellier de la rue du Faubourg Saint-Honoré, Hermès, à Val-de-Reuil. Celui-ci va vous associer au recrutement de 300 personnes sur 3 ans en liaison avec les CCAS concernés et avec le soutien du Lycée Augustin Boismard de Brionne. C’est une preuve remarquable de votre compétence et de votre sérieux, car pour bien connaître la marque aux emballages orange, elle ne se confie que difficilement y compris aux les gens les plus recommandables de la terre. Votre manière d’innover, de piloter le changement, de faire face à la complexité, c’est de faire appel au bon sens. Par exemple en vous efforçant de placer les demandeurs d’emploi du territoire si possible dans les entreprises de ce même territoire.
Vos supérieurs ne sont pas insensibles à votre efficacité. Vous allez piloter des actions sur la Vallée de l’Andelle, devenir référente « fret fluvial et tourisme », puis responsable de la filière biologie, chimie, santé, ce qui vous permettra, honneur insigne, de rencontrer le président de la Cosmetic Valley.
J’ai dit que l’humain était au cœur de vos préoccupations et insisté sur votre souhait de construire une offre adaptée, une offre sur mesure, pour chaque demandeur d’emploi sans oublier les impératifs de l’entreprise. Adepte des solutions Win/Win, vous avez su, dans un sens, écouter les problématiques et comprendre les enjeux du territoire, de l’autre expliquer les priorités de Pôle Emploi, mais parfois aussi ses limites. Ainsi, on me dit que vous avez su dire non à des demandes qui n’étaient pas dans les objectifs et la feuille de route qui vous avait été confiés.
Depuis mars 2017, vous voguez vers d’autres horizons. Colette Salamone, vous êtes est en mission de mobilité à la direction générale en tant que cheffe du projet national « Favoriser la collaboration au sein de l’agence », ce que d’aucuns appelleraient plus cursivement les synergies, dans le cadre du programme PERSE, ce que tous ceux qui connaissent la novlangue de la bureaucratie traduiront bien sûrr en « personnalisation de la relation de service », lequel s’insère si on aime les poupées russes dans la mise en œuvre du plan stratégique Pôle emploi 2020.
Le choix de ce projet, transverse par nature et dirigé vers le soutien aux agences, correspond bien à votre manière de travailler en équipe, en transparence, et à l’attention que vous portez aux relations entre acteurs d’un travail qui ne disparaîtra pas. Votre objectif est limpide : améliorer la satisfaction des demandeurs d’emploi et des entreprises tout en améliorant l’image de Pôle emploi au travers d’actions à forte valeur ajoutée.
Le choix d’aller sur un projet national après 12 ans passés comme directrice d’agence sur un territoire démontre aussi votre volonté de ne pas vous endormir, de ne pas ronronner, de relever des nouveaux challenges et de continuer, à un moment de la vie où certains décrochent, à vous investir, à vous renouveler, à vous relancer. J’avais d’ailleurs une proposition à vous faire. Quand je lis que vous savez identifier les points de conflit, les désaccords et les non-dits pour les résoudre, que vous anticipez les conflits et supervisez le changement, que vous faites face à l’imprévu et à la complexité, que vous partagez votre réussite et favorisez les climats de confiance, je me dis que vous devriez être Maire de Val-de-Reuil à ma place et vous auto-remettre ce ruban bleu créé par le Général de Gaulle…
Cette mission se termine en juillet 2018. Libre à la direction de pôle Emploi de la faire se conclure par la réalisation d’un rêve caché. Vous espérez, en effet, pouvoir revoir votre Normandie et revenir sur un poste dans le bassin d’emploi de Rouen ou sur le département de l’Eure. Il est certain pour ce dernier que lorsqu’on ferme un collège on crée des besoins en formation. Vous ne risquez pas de manquer de boulot. Pour l’instant, vous préparez votre projet de fin de mission et continuez de marrainer, pour occuper vos loisirs, un jeune chercheur d’emploi issu des Quartiers de la Politique de la Ville.
Il faut une chute à ce panégyrique : elle arrive.
Colette Salamone, vous êtes capable de la plus grande transparence et d’une ouverture réelle pour agir en complémentarité et en sincérité avec tous les acteurs de l’emploi dans un but commun : mettre fin au chômage de masse qui nous fait souffrir depuis trop longtemps.
Colette Salamone, au travers des actions menées sur notre territoire vous avez renforcé l’image de Pôle emploi et accru la plus-value de ce grand service public indispensable et de son expertise dans l’accompagnement des transitions professionnelles.
Colette Salamone, vous avez su prendre des risques quand il le fallait, faire confiance, accepter « le droit à l’erreur » pour que chacun puisse mieux rebondir dans notre société en crise depuis quarante ans.
Pour notre société qui juge ses citoyens au travail qu’ils effectuent, je vous assure Colette Salamone que vous avez bien mérité l’honneur de la patrie.
C’est pourquoi, au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, Colette Salamone, nous vous faisons chevalier dans l’Ordre National du Mérite.
16
NOV
2017
Quand la Chine consommera !
Paré de toutes les vertus, accablé d’opprobres, on ne parle que de lui. Vient-il en masse ? On redoute son invasion. Se fait-il rare ? On regrette sa disparition. Lui, c’est le consommateur chinois. On l’avait croisé déambulant avec la foule de Shanghai sur Nanjing Lu, flânant devant les enseignes du Landmark à Hong-Kong, sillonnant les allées de l‘Oriental Plazza à Pékin. Âme d’une civilisation restée commerçante malgré la révolution culturelle, sa silhouette nous était familière, ses habitudes connues, sa psychologie déchiffrable à travers cet adage impie pour nos oreilles européennes : « Sunday is shopping day ! ». Aujourd’hui qu’on le rencontre Boulevard Haussmann, sur Oxford Street ou Piazza di Spagna, les choses sont différentes. Avec inquiétude, on scrute ses goûts. Pour ne pas devenir dépendant de son pouvoir d’achat, de sa capacité à voyager, des règles que son Gouvernement peut édicter, on s’efforce d’accentuer son attirance pour nos modes, nos marques, nos maisons. Nous lui devons une parfaite sécurité de sa personne et de ses biens, sans quoi notre hospitalité ne serait qu’un leurre. Il est la nouvelle frontière, le nouveau Graal, le nouvel eldorado.
Mais, pour le retenir, pour l’attirer, pour le séduire, il a fallu revoir nos certitudes. On le croyait amateur d’objets à la valeur ambivalente destinés à assoir notoriété et position sociale. Il est devenu expert pointilleux, attentif à la personnalisation, demandeur d’exclusivité, de surprises et d’expériences pour lui-même. On lui donnait la quarantaine bien tassée. Il est le plus souvent un de ces « millenials » à la trentaine conquérante. On imaginait que, femme, il serait plus sensible à l’offre que nous lui faisons. C’est un homme qui, en premier, franchit, concerné, intéressé, la porte de nos magasins. On le croyait grégaire, ne quittant ni son car, ni son groupe, les yeux attachés au fanion de son guide. Il suit les « nouvelles routes du Moi » et c’est en couple ou avec ses proches qu’il découvre Fà guó, la France. On le voyait, naïf, timide, agrippé à son smartphone. Il est expert en « connectivité » ile lorsqu’il s’agit d’utiliser réseaux sociaux, sites de vente, moteurs de recherche pour s’informer, comparer, commenter, acheter en ligne, payer. S’il est fier de sa culture ancestrale, il est de plain-pied dans le temps mondial.
C’est pourquoi il veut désormais connaître et comprendre l’origine des matières employées, les lieux de fabrication de nos produits, leurs inspirations artistiques. Il attend que nous renouvelions la haute tradition de nos manufactures, de nos usines, de nos ateliers, par la force créative de nos talents et une attention à ses aspirations. Il recherche, de manière croissante, la garantie que seront satisfaites ses exigences en matière d’art de vivre et de bien-être.  Nous savons que le Made in France peut lui apporter la sécurité sanitaire, le respect de l’environnement, l’authenticité des matières premières et des process, la performance et l’innovation. Ce sont des défis concrets qu’il faut relever. « Le fondement de la théorie, c’est la pratique ». Ainsi ne parlait-il pas le Président Mao ?
Marc-Antoine JAMET