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MAI
2017
Retrouvez le discours prononcé hier à l’occasion du Grand rassemblement pour la République organisé à Val-de-Reuil et de l’inauguration la très belle éco-crèche des Noés par Bernard Cazeneuve, Premier ministre
Discours de M. Marc-Antoine JAMET
Maire de Val-de-Reuil et Président de la Commission des Finances de la Région Normandie
A l’occasion de l’inauguration de l’Eco-Crèche des Noés
Par M. Bernard CAZENEUVE, Premier Ministre
Val-de-Reuil/Jeudi 4 mai 2017 à 17h30
Quatre mots pas plus, quatre mots seulement, Monsieur le Premier Ministre, pour vous accueillir chez nous, c’est à dire chez vous, à Val-de-Reuil. Cette brièveté est de mise : ce que vous avez à nous dire est essentiel. Votre langue est claire. Votre autorité réelle. Votre jugement ferme. De vous, nous attendons donc conseils, convictions et consignes. Singulièrement à 48 heures du second tour de l’élection présidentielle, plus encore 24 heures après un débat qui ressemblait davantage à un numéro de cirque ou de catch avec Mme Deloyale qu’à une communication du collège de France. Votre analyse -soyez en sûr- sera mieux écoutée, mieux entendue et mieux comprise que ces discours. Tant et si bien, si vous me le permettez que, je vous qualifierais volontiers de sage, un jeune sage, mais un sage tout de même.
Modeste contrepoint à ce message, vous voudrez bien pardonner la maladresse de mon propos d’élu local. L’émotion et l’honneur de vous accueillir, non seulement pour une de vos dernières visites de terrain dans les fonctions qui sont les vôtres, mais aussi pour la troisième fois à Val-de-Reuil qu’en « premier flic de France » vous avez inspecté naguère et dont vous avez battu les estrades lors d’un meeting d’anthologie qui ne figura pas à votre casier judiciaire, ont renforcé en moi une timidité que vous savez être maladive.
Quatre mots et le premier sera pour saluer ceux qui sont avec nous autour du drapeau tricolore, parce que ce sont des citoyens, parce que ce sont des démocrates, parce que ce sont des républicains, parce que ce sont eux les vrais patriotes.
Femmes et hommes, jeunes ou vieux, élus ou électeurs, ils sont de Gauche. Ils sont de droite. Ils sont du centre. Qu’importe ! Les législatives demain trancheront. Mais, aujourd’hui, ils sont notre cher et vieux pays. Ils sont sa diversité et son unité sacrée, son intelligence et sa culture, sa force et sa beauté. Français par le sol ou par le cœur, Français par le sang reçu ou par le sang versé, Français de naissance ou de préférence, par destin ou par choix, ils sont ici rassemblés, ceux de la rose et ceux du réséda, devant vous, le chef de leur Gouvernement pour vous dire leur respect et vous rendre hommage. Ils sont, là, confondus dans la foule. Tous égaux ! Tous libres ! Tous frères !
Beaucoup ont peur néanmoins, car ils s’inquiètent de la montée du Front National. Ils se demandent comme Patrick Modiano, notre Nobel de littérature, dans « Rue des Boutiques Obscures » : « Pourquoi certaines choses du passé surgissent-elles avec une précision photographique ?». Pour eux, nous devons reconstruire l’espoir. Avec eux nous pouvons raisonner les égarés. Cela passe par le rappel de quelques vérités.
Pour des raisons personnelles, je suis depuis longtemps un des meilleurs experts du Front National : un tiers d’oubliés, humiliés, un tiers d’exaltés fracassés, un tiers de cinglés à enfermer. Qui voudrait rejoindre ce troupeau ? Si ceux qui sont en haut cessent d’oublier le désespoir, la pauvreté, les angoisses de ceux qui sont en bas, il n’y a pas de fatalité de l’extrême droite. Il n’y a pas de loi de l’éternel retour du nationalisme. Il n’y a pas d’obligation de se soumettre à un clan qui a hérité du nom, de la belle maison, de la faction et de l’esprit nazillon d’un vieillard égoïste, antisémite et raciste. Ni Marine ni Marion n’ont le monopole de la Nation. C’est nous qui sommes les Jeanne d’Arc et les Carnot, les Marie Curie et les Victor Hugo, les Thomas Pesquet et les Yasmina Reza. C’est nous qui sommes la France, sa langue, celle de Flaubert et de Maupassant, sa civilisation, celle qui depuis l’hexagone, rayonne de Québec à Bamako ! Pas eux.
Mon second mot revient sur notre inauguration. Si nous nous interrogions sur ce qu’est une crèche aussi professionnelle et moderne que celle que dirigent Agnès Dupain et Catherine Sarg que vous avez rencontrées, aussi écologique et durable que celle conçue par l’architecte Philippe Madec, aussi accueillante et rassurante que celle voulue par la CAF de l’Eure, aussi solide et économique que l’a livrée la Siloge, la réponse serait simple : une crèche, c’est la joie, la vie et l’avenir, ce qui tourne le dos aux pulsions de mort qu’agitent les fanatiques, les déclinistes, les extrémistes.
C’est quoi une crèche Mme Le Pen ? C’est là où un indispensable service public, animé par des fonctionnaires qualifiés et remarquables, produit de l’équité et de la solidarité pour faire face aux inégalités de la vie entre les sexes, les fortunes, les situations familiales.
C’est quoi une crèche Mme Le Pen ? C’est là où la puissance publique, via la collectivité locale, accorde aide et protection à des usagers qui ont à ce point confiance en elle, en ses moyens et ses méthodes, qu’ils lui remettent ce qu’ils ont de plus cher : leurs enfants.
C’est quoi une crèche Mme Donald Le Pen ? C’est là où la République, une et indivisible, laïque et sociale, offre à chacun qu’il soit blanc ou noir de visage, chrétien ou musulman d’éducation, le même berceau parce que le regard et les besoins des enfants sont les mêmes en Turquie et en Normandie, au Maroc et à la pointe du Hoc, au Sénégal et à Darnétal. Ainsi souhaite-t-on que continue de vivre notre société
C’est quoi une crèche Mme Vladimir Le Pen ? C’est un lieu de transmission et d’éveil quand l’enfant quitte le cocon familial, un lieu où l’on grandit en toute sécurité après avoir lâché un instant la main de ses parents, un lieu où se fait l’apprentissage de la vie, de la découverte, de l’autre. Sans exclusion et sans haine.
C’est quoi une crèche Mme Viktor Orban Le Pen ? C’est un premier rempart avant celui des écoles, des collèges pour peu qu’on ne les ferme pas et, des lycées pour la socialisation et l’épanouissement face aux dérives, aux déviances, aux délits. Vous connaissez la formule : vous ne croyez pas en l’éducation, essayez l’ignorance.
Cette réalisation le montre. Pour bâtir le futur que nous voulons pour nos enfants, mais aussi pour nous-mêmes, nous entreprenons de belles choses, nous prenons de grandes décisions, nous concentrons à des sacrifices considérables. Quand il s’agit des siens, j’ai remarqué qu’on s’abstient rarement. Si votre fille hésitante s’interroge sur une formation, vous ne lui dites pas « je vote blanc ». Si votre fils débutant vous interroge sur la valeur d’un métier, vous ne lui dites pas « je vote nul ». A l’heure des grandes échéances personnelles, nous n’acceptons pas que d’autres disent oui ou non à notre place. Nous écoutons, discutons, évaluons, mais – à un moment – nous nous engageons. Ce qui est vrai pour une famille l’est aussi pour un peuple.
Mon troisième mot sera pour la situation que nous vivons. Cette élection présidentielle est tout sauf anecdotique. Alors que nos troupes se battent, que nos policiers veillent, que le terrorisme, la crise et le chômage – trois fléaux qui vont ensemble – commencent de reculer, entre la résistance et la collaboration, je sais de quoi je parle, nous n’avons pas le droit de nous tromper dimanche.
Monsieur le Premier Ministre, nous avons fait tous les deux loyalement campagne pour notre candidat Benoît Hamon. Sa position est limpide. Il l’a courageusement exprimée au soir du 23 avril. Il l’a réaffirmée hier dans le Monde. Ce n’était pas facile pour lui de le dire : il votera Macron. Mais beaucoup de mes administrés ayant manifesté des tempéraments d’insoumis, je ne voudrais pas qu’ils aient dimanche prochain des comportements d’aigris. A 31%, ils se sont prononcés pour Jean-Luc Mélenchon avec qui je fis, lorsqu’il était Ministre de Lionel Jospin, ici ma première, inauguration. C’est rappeler que nous pouvions à l’époque nous fréquenter. Cette proximité n’a sans doute pas disparu. Je suis persuadé que, le matin, dans votre salle de bain, Monsieur le Premier Ministre, il vous arrive de chantonner « ni banco, ni facho ». Un jour de grande facétie, on peut vous imaginer ajouter « ni patron, ni patrie ». Mais l’avenir d’un pays de 65 millions d’habitants n’est pas une loterie. Mais le futur de la France n’est pas un slogan. Mais la colère n’est pas un état permanent. Mais nous n’allons pas élire à l’Elysée Monsieur Blanc. Dans nos institutions, le scrutin majoritaire uninominal reste une arme à deux bulletins. Si on n’appuie qu’une seule fois sur la détente de l’urne, cela ne sert à rien. Ne pas s’exprimer au second tour, c’est faire les choses à moitié. C’est face à la recomposition de la gauche et de la droite perdre la légitimité de revendiquer des progrès, la possibilité de contester des régressions.
Au-delà de l’élection d’un homme (ou d’une femme), nous choisissons la société que cet homme (ou cette femme) veut pour notre pays, pour nos villes, pour nos familles, pour nous-mêmes. Tout ne se vaut pas. Ce ne sera pas blanc bonnet/bonnet blanc.
Il est vrai qu’un candidat inquiète ma famille politique quand il parle des retraites, de la protection contre le chômage, du rapport de forces dans l’entreprise. Mais, face à lui, une candidate qui a construit son projet sur la négation de nos valeurs, sur le repli sur soi, sur la méfiance et le rejet de l’autre, fait bien pire. Ses amis ont un visage et un parti : celui de la violence. C’est la guerre de tous contre tous. Elle projette de sortir de l’Europe en abandonnant l’Euro. Pour reprendre les mots d’un Président du Conseil Constitutionnel que nous connaissons bien Bernard, cela revient à enlever son parachute au moment de sauter de l’avion en plein vol. Un débat hier l’a prouvé. Elle n’a rien de sublime. Tout en elle est grotesque. Le ridicule de ces gestes fait écho à la confusion de ses idées.
Alors il faut sortir de l’ambiguïté. Ici, on ne coupe pas son cidre à l’eau de Vichy. Ici, si nous ne détestons pas manger leurs cornes, nous n’avons pas la pudeur des gazelles. Je préfère être en marche plutôt qu’être en marge. Alors, même si Emmanuel Macron ne représente notre premier choix, il faudra qu’il soit notre dernier mot et que sans exception nous votions pour lui.
Ma conclusion sera pour vous même et je crains que cela ne vous déplaise fortement. Tout le monde connaît la formule : pendant les travaux la vente continue. Eh bien, pendant la campagne, la République continue elle aussi, dans le calme comme dans la tempête, au milieu des agitations stériles et des grandes déclarations. Vous êtes celui qui tient le cap, sans hurlement et sans faiblesse, celui qui assure l’ordre et pas seulement l’ordre public, la sécurité et la continuité des institutions, des administrations, du gouvernement. Vous êtes le môle, le roc, sur lequel viennent se briser la houle et les vagues. Ai-je rappelé que vous venez de la Manche du Cotentin et de Cherbourg où le climat n’est pas toujours clément ?
Pour que le navire avance – et la France n’est pas plus un pédalo que la Russie une troïka et les Etats-Unis un rodéo – il faut un capitaine. C’est François Hollande à l’encontre duquel cette ville aurait bien tort de montrer la moindre ingratitude tant il l’a aidée, soutenue, accompagnée réservant à la plus jeune commune de France, une matinée mémorable, 50 M€ de renouvellement urbain et, à chacun de ses grands projets, l’appui de l’Etat. Mais, contre des courants difficiles, il faut à la fois un équipage uni qui, dans l’obscurité, accepte d’alimenter la machine plutôt que marivauder avec les passagers et, surtout, un bon pilote. Après avoir été le pompier du quinquennat, ministre des affaires européennes pour sortir de la crise de l’Euro, puis du budget pour mettre fin aux turpitudes Cahuzac, enfin de l’intérieur, poste qui ne nous fera jamais oublier l’action efficace et les paroles réconfortantes que vous avez eues, évitant aussi bien la panique que la vengeance, lors des attentats tragiques que nous avons vécus. On en vient à regretter que vous ne soyez pas monté plus tôt sur la passerelle. Ce sentiment est plus grand encore quand on vous voit agir concrètement pour tirer, par décret, arrêté, circulaire, quotidiennement le meilleur de ces quelques mois afin de rendre irréversibles des avancées et des projets. Que n’avez-vous eu cinq ans devant vous !
Dans la conjoncture dramatique que nous traversons, il faut que le chef de gouvernement soit un homme lucide et courageux, un homme solide et responsable, un homme combatif et protecteur, un homme fidèle à une politique et à une ligne de conduite, un homme qui garde sa maîtrise et son sang-froid pour assurer en dépit de la montée des tensions et des passions, des polémiques et des dangers pour assurer de l’efficacité à la conclusion de sa mission, pour garantir la régularité et la tranquillité de la transition quelle qu’elle soit.
Vous avez reconnu ce portrait-robot, mais vous n’êtes pas de ceux qui recherchent l’éclat des paillettes, le clinquant des attitudes, le tapage des médias. Vous creusez silencieusement la trace d’un grand serviteur de la République. C’est le terreau duquel naissent les plus grands hommes d’Etat. C’est la trajectoire que vous initiez, aux yeux de ceux qui savent voir, pour laisser votre place dans l’histoire. « Il y a des êtres mystérieux, toujours les mêmes, qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de notre vie » C’est encore une citation de Patrick Modiano dans Villa Triste et elle vous va parfaitement. A chacune de vos venues, vous grimpez d’un rang dans le protocole de la république. Revenez très rapidement.