25
JAN
2017
Nous n’accepterons jamais la fermeture irrationnelle et infondée du collège Pierre Mendès France de Val-de-Reuil
Nous n’accepterons jamais la fermeture irrationnelle et infondée
du collège Pierre Mendès France de Val-de-Reuil
En 2016, le Conseil Départemental annonçait, brutalement, la « condamnation à mort » d’un collège qui, à Val-de-Reuil, porte le nom d’un élu de l’Eure, grand homme d’Etat, président du Conseil et résistant. Comme s’il était – encore ! – normal de « débarrasser » notre mémoire collective du souvenir d’un homme qui s’est battu pour préserver l’honneur de la France. Affront involontaire fait à l’héritage de nos pères, singulièrement sur le territoire de « sa » circonscription, invraisemblable contradiction de la part de ceux qui soutiennent la construction d’un « récit national » dans les manuels scolaires des jeunes collégiens, on va gommer, on va effacer Pierre Mendès France.
Depuis cet oukase, aucun travail sérieux, aucune étude réelle, ne sont venus étayer ou, au moins, éclairer cette incompréhensible volonté. C’est toujours dans l’arbitraire le plus total, sur le seul fondement du bon plaisir, que le département s’enferme dans sa décision et tente d’imposer par la force ce qui ne se justifie pas par la raison.
Aussi, Sébastien Lecornu, sept mois après que Préfet et Recteur lui en ont fait la demande, a-t-il convoqué, subrepticement, comme si de rien n’était, le 17 janvier dernier, à Evreux, une commission administrative, dont le but – sans grande habilité – était d’entériner la situation imposée. Les représentants de Val-de-Reuil, Poses, Alizay, Igoville et Pont-de-l’Arche, qui s’étaient présentés à l’ouverture de la réunion, l’ont donc logiquement quittée. Chacun a pu constater, en effet, qu’il ne s’agissait pas de travailler, de réfléchir ou de discuter, vers une solution, mais, en fait, d’avaliser, sans autre formalité, la fermeture du collège rolivalois en hasardant, sur des bases faussées, une nouvelle carte de la circonscription scolaire de Val-de-Reuil, Louviers et Pont de l’Arche.
On aurait pu, faible consolation, espérer que, pour masquer ses intentions, le Vice-Président en charge des collèges et de cette pénible tâche, Benoit Gatinet, avait, pour l’occasion, construit une méthodologie, défini un plan d’action, envisagé des règles. Pour justifier une sectorisation absurde et ses conséquences pénibles pour les milliers d’élèves scolarisés dans ce périmètre, c’eut été bien le moins. S’abstenant d’écouter, de recevoir ou, au moins, de prendre en compte les arguments avancés et soutenus par une très large majorité d’enseignants, de parents d’élèves et d’élus concernés, le Conseil Départemental a, une fois encore, fait fi de toutes les évidences. Celles-ci sont pourtant renforcées par tous les arguments.
Argument moral tout d’abord puisqu’à aucun moment le Président du Département n’a jugé utile de présenter aux élus des territoires concernés sa décision, pas plus qu’il n’a voulu dialoguer, proposer, écouter la communauté éducative et les équipes pédagogiques. Plus étonnant, à moins que ce ne soit par goût de la provocation, il était venu pour sa première rentrée scolaire au collège PMF pour assurer, orbi et orbi, qu’il en préserverait l’activité. Plus grave, quelques jours seulement avant que le couperet tombe, il disait le sujet ouvert et en cours de réflexion, ce que confirmait à la même époque un mail de son directeur général de service qui précisait qu’aucune décision n’était prise.
Argument technique ensuite puisqu’il a fallu au département, pour tenter de justifier ce qui ne pouvait pas l’être, trouver, à la hâte et dans une troublante méconnaissance du dossier, des prétextes qu’il pensait imparables. La sécurité a été l’un d’entre eux. Sur ce plan, les erreurs et les approximations se sont succédées. On a assuré que ce collège était un « Pailleron », ce qui était faux et absurde, puis qu’il était, contre toute évidence, un collège « qui ressemble à un Pailleron ». On a voulu prouver qu’il était un établissement comportant de tels défauts de construction, construit en bois et en carton (lui qui pèse des tonnes de béton), qu’il mettrait en péril la vie de celles et ceux qui y étudient et y enseignent, bref qu’il s’écroulerait. Manifestement, il y avait là une confusion avec ce qu’il arriva des murailles de Jéricho. L’ingénieur en chef responsable des établissements du secondaire dans le département eut beau à plusieurs reprises faire la démonstration du contraire, nul ne voulut l’écouter. Qui veut noyer son chien dit qu’il a la rage…
Argument démographique également qui a obligé le Département, tête baissée, engoncé dans ses certitudes idéologiques, à ne pas reconnaitre les chiffres en progression croissante du nombre des habitants de la plus jeune commune de France, ni l’augmentation des demandes d’inscription à PMF alors même qu’elles étaient découragées par ses services. 12 classes ouvertes en cinq ans dans la Ville soit l’équivalent, à raison de 25 nouveaux élèves par classe, de 300 nouveaux collégiens, 1000 nouveaux logements construits, certains en face du collège PMF, et 1000 à venir dans les prochaines années soit un nombre important de futurs élèves à scolariser, 1000 inscrits sur les listes électorales lors des derniers mois de l’année passée, constituent autant d’éléments objectifs d’une évolution démographique positive. Comment accueillir dans de bonnes conditions ces centaines d’enfants si la Ville se voit priver demain de l’un de ses trois établissements ? Pas une réponse à cette question n’a été formulée par le département.
Argument social, surtout, car c’est là le cœur du problème posé par une décision, qui frapperait, si elle était confirmée, suivant une logique identique à que celle poursuivie pour avec la suppression du collège Pablo Neruda dans le quartier de la Madeleine à Evreux, l’un des deux territoires les plus pauvres de tout le département. Cela signifierait l’abandon pur et simple d’un des deux réseaux d’éducation prioritaire les plus importants de l’Eure, réseaux indispensables pour corriger les inégalités, décisifs pour rattraper des situations nées d’un niveau de pauvreté très élevé.
Argument pédagogique bien sûr en ce que la fermeture de PMF conduirait au charnier l’équilibre éducatif, difficilement trouvé, de la commune et de celles qui l’entourent. Un seul collège pour Val-de-Reuil et un autre pour le Vaudreuil, c’est accentuer les antagonismes, c’est façonner une nouvelle opposition irresponsable entre pauvres et riches, en créer une supplémentaire entre supposés bons et supposés mauvais élèves, sans illusion sur où serait l’établissement d’excellence et où serait celui de la relégation. C’est envoyer dans l’unique établissement ouvert, Alphonse Allais, prévu pour accueillir 400 élèves, 200 à 300 élèves de plus qui n’auront ni cour de récréation, ni réfectoire, ni espaces communs adaptés à leur nouvelle situation. Il faut ne jamais avoir été enseignant ou ne jamais eu avoir d’enfants collégiens pour ne pas examiner ce que seront les circulations aux interclasses. Le collège Alphonse Allais, seul collège classé REP+ du département de l’Eure, ne peut pas devenir le ghetto des réprouvés, des élèves les plus en difficulté ou les plus durement frappés par la précarité. La polarité déjà forte exercée par le Collège Michel de Montaigne, aux résultats scolaires supérieurs à ceux des deux établissements rolivalois, ne peut continuer de s’accentuer. Nous n’accepterons pas que puisse se développer une éducation à deux vitesses. C’est le principe même de la mixité sociale et scolaire qui est remis en question. Saturer un seul collège à Val-de-Reuil, c’est aussi prendre le risque de la contagion à d’autres communes de notre Agglomération. Supprimer Pierre Mendès France reviendrait en effet à surcharger les effectifs du collège Hyacinthe Langlois à Pont de l’Arche dont les futurs travaux ne sont prévus qu’à l’horizon de l’année 2020, à engloutir par des effectifs pléthoriques Michel de Montaigne au Vaudreuil, menacer la quiétude des collèges de Louviers.
Argument logistique, car un seul collège à Val-de-Reuil, c’est tourner le dos au bon sens et renoncer à la possibilité de rediriger 250 collégiens de la boucle de Poses qui, chaque jour, doivent subir pendant plus d’une heure – et parfois deux – la longueur et la pénibilité de transports qui les ballottent sur des kilomètres selon des trajets décidés avant la création de la Ville Nouvelle et qui la contournent stupidement. S’inscrire au Collège Pierre Mendès France serait pour eux moins contraignant au quotidien, bénéfique pour leur bien-être et leur réussite éducative. Les élèves ne peuvent être les otages d’une décision qui va à l’encontre de leurs intérêts, à Val-de-Reuil, dans la boucle de Poses et à Pont de l’Arche.
Argument citadin, en ce que cette décision décidément peu réfléchie créerait, au milieu d’un quartier qui a été et va être davantage encore transformé par le renouvellement urbain, une friche en plein centre d’une ville qui en compte déjà trop. Décision d’ailleurs paradoxale et financièrement contestable de la part d’un département qui accompagne, sans doute sur d’autres lignes budgétaires, la mise en œuvre du programme national visant, notamment, la suppression des friches administrative, éducative et urbaine des quartiers « dits » de la politique de la ville pour, de l’autre, prendre la décision d’en faire émerger de nouvelles.
Argument politique, argument ultime, si l’on considère que l’aveuglement devant la somme de tous ceux qui ont été énoncés n’est pas celui-là, Val-de-Reuil deviendrait – étrangement – la seule commune euroise de plus de 10.000 habitants à ne posséder qu’un collège. En serait-il de même s’il s’agissait de Vernon ou de Bernay, de Gisors ou de Louviers ? La question parait aujourd’hui légitime et il serait dommage que la réponse tienne en une orientation municipale qui n’est pas celle des équipes de Bruno Le Maire.
Pour toutes ces raisons nous refusons cette politique du coup de menton et du fait accompli. Elle affaiblit la crédibilité et la légitimité de l’exécutif départemental dont on a l’impression qu’il fuit immanquablement ses responsabilités dès lors qu’il faut en expliquer les tenants et les aboutissants, défendre des décisions, en évaluer les conséquences.
Nous rappelons que les élus de Val-de-Reuil ont demandé audience au président du Conseil Départemental depuis maintenant quinze semaines et que celui-ci, étrange comportement en République, attitude surprenante en démocratie, ne s’est pas même donné la peine de leur répondre, ni d’organiser une réunion de travail sérieuse pour moderniser et rationaliser une carte scolaire qui en a bien besoin, préférant fragiliser l’un des principaux outils, l’un des premiers piliers du système éducatif de proximité qui est et doit rester le collège.