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SEPT
2016
Le vendredi 7 octobre prochain, le Théâtre de l’Arsenal de Val-de-Reuil présentera sa deuxième saison et dévoilera sa nouvelle programmation.
LES PREUVES DE L’EXISTENCE DU LIEU
On peut avoir des intuitions. On peut avoir des certitudes. Il en va ainsi de l’existence de Dieu, de la réalité d’un amour, de la vie sur Mars. En moins d’une saison, l’utilité (par avance je prie chacun de bien vouloir excuser ce mot grossier…) du Théâtre de l’Arsenal est passée de la première à la deuxième catégorie. Il était nécessaire à Val-de-Reuil. Il lui est devenu indispensable. Définitivement.
On pourrait multiplier les preuves de ce statut exceptionnel. La plus objective repose sur une fréquentation. Redoublant de trivialité, j’allais même – trop concrètement – parler de taux de remplissage. Il est vrai que si on vote, parfois, avec ses pieds, on se cultive généralement avec sa tête et son cœur. Trop grande, trop vaste, trop belle, héritière des Chalands et de leur exiguïté, il était prétendument écrit que jamais nous ne parviendrions à remplir l’Arsenal. Foin de jauge, chaque représentation, a fait salle comble mixant allègrement publics proche et lointain et, pendant une année, des milliers de mains sont venues applaudir un superbe lever de rideau.
Second élément, suffisamment rare pour être remarquable : la compétence et l’intelligence ont rapidement donné un ton et un esprit à notre théâtre. Par sa programmation et sa convivialité, nouveau venu – qualité inégalement prisée sous nos horizons – il a, sans difficulté, trouvé sa place en Normandie. Une place singulière et une voix qui l’est tout autant, celle d’un centaure danseur et comédien. On attendait d’ailleurs de notre double direction un pugilat. Ce fût le concordat. Le mélange Boivin/Lazennec est assurément riche. Excellent pour notre moteur intellectuel, il a rempli toutes ses promesses d’éclectisme, d’humour et d’originalité. Aucun de ces ingrédients subtils n’a manqué aux soirées qu’ils ont harmonieusement concoctées. Je veux les remercier d’en avoir usé avec générosité.
Troisième atout, certainement pas le dernier, l’Arsenal est devenu un repère pour la Ville. Il a attiré des habitants. Il structure un quartier nouveau. Il dit une ambition. Il vit désormais aussi en dehors de tout spectacle. Célébrer le jubilé d’un jeune photographe, danser le hip-hop, écouter les sons du Caméléon, tout est prétexte à y faire la fête. On y invite les voisins, les riverains, les amis. Il n’est pas jusqu’à Hermès Sellier, maison d’une belle notoriété, sérieuse et appliquée, qui vienne y fêter la récente implantation rolivaloise d’un de ses ateliers. C’est un endroit où on se trouve et se retrouve, où l’on s’écoute et se parle, où l’on s’aime et on aime.
Car, là, est le plus important. Les temps sont durs et les loups de nouveau sont entrés dans nos vies. A la République, pour résister, il faut des forums. A la laïcité, pour se perpétuer, il faut des piliers. Le spectacle, le spectacle sous toutes ses formes, est une réponse à la violence. Y compris à celle des attentats. Parce qu’il apporte des interprétations et des songes, des idées et des émotions, l’art, le drame, le geste, la littérature, vont à l’encontre de la simplification qu’exigerait la radicalisation des consciences. Ils font reculer la peur, la haine, l’ennui. Ils projettent de l’interrogation, de la complexité, de la remise en question bien au delà d’une scène ou, même, du dernier rang des fauteuils. Un jugement dès lors. Il peut être politique. Ceux qui diminuent les aides, les subventions, les soutiens ont tort. Ils pensent construire un rempart. Ils creusent des tombeaux.
Marc-Antoine JAMET
Maire de Val-de-Reuil