14
DEC
2015
Ensemble
Camarades,
Un mot simplement pour vous dire, par ce soir de gueule de bois, le plaisir très sincère, la joie souvent, que ce fût de faire campagne avec vous qui êtes des gens bien et avec qui on a plaisir à marcher dans les rues, en souriant, la tête haute, à rire, à tracter, à boiter, à coller, au soleil ou dans le froid, et à partager un café. Il n’y aurait pas pu avoir de compagnie plus agréable, plus efficace, plus chaleureuse que la votre pour faire vivre ce à quoi l’on croit. Ces six mois passés ensemble, à mieux nous connaître et à nous apprécier, m’ont énormément apporté. Quelque chose s’est créé. J’espère que cet élan ne s’interrompra pas. Il nous sera indispensable, car notre idéal est toujours là. Nous continuons de vouloir davantage de partage, de collectif, de solidarité, pour le plus grand nombre, pour les faibles, pour ceux qui en ont besoin, le service public comme régulateur et pas l’argent, la laïcité comme éthique, l’égalité pour tous et la justice pour chacun.
Cette volonté touche à l’éducation, au logement, à la redistribution, à l’environnement, à l’innovation, à la culture aussi, naturellement à la croissance et à l’emploi, à des dizaines de choses que la droite va remettre en question. Je reconnais sans la moindre réticence qu’elle l’a emporté ce 13 décembre. C’est la loi du suffrage universel et il n’en est pas de meilleure. Je n’en crains pas moins que, du seul fait de sa toute nouvelle puissance, elle soit intransigeante, indifférente, arrogante. L’après-municipales n’avait été qu’une répétition, l’après-cantonales une esquisse. Départements et région formeront un bloc dur. La peur d’une extrême droite contre laquelle, pourtant, ils ne lutteront pas sérieusement un instant, affolera ses représentants. Ils paniqueront. Le manque de respect de leurs leaders nationaux, de leurs grands élus, pour leur tête de liste régionale, son charisme limité, son peu de crédibilité, sa chatoyante légèreté, les handicaperont. Ils en feront trop. Livres pour enfants, subventions pour les associations, budget pour les lycées, colis pour les vieux, bourses pour les étudiants, crédits pour l’emploi, tout y passera. Pire, avec eux, le sort de nos territoires se jugera à leur appartenance partisane. Je ne demande qu’à me tromper. Hélas, je pense être dans le vrai. L’expérience l’a prouvé.
On peut laisser faire en détournant les yeux. Ce n’est pas notre genre. Nous devrons donc nous battre pour défendre notre cause, celle du socialisme, au quotidien, sans grands mots ni démagogie, pour soulager, proposer et améliorer la Vie. C’est une lutte qui nous distingue. Elle est belle. Elle nous honore. Nos principes, à la fois, sont immortels et ils sont particulièrement actuels. Il y a du Jaurès et du big data dedans. Face à eux, nos adversaires ne sont que dans la contingence et l’inconsistance. Pour que triomphent nos idées, nos valeurs, Nicolas Mayer-Rossignol nous a amenés beaucoup plus loin que nous ne l’imaginions. Il incarne l’intelligence, la jeunesse et le renouveau. On nous donnait perdants et, avec lui, nous avons failli gagner. Il a voulu que notre rêve soit réalité et, avec lui, nous nous en sommes donnés les moyens. Nous nous sommes rassemblés et, avec lui, nous avons travaillé avec acharnement à ce que nous espérions être la victoire. Je le remercie du fond du coeur, je remercie mon ami Laurent Beauvais et je remercie tous les militants, tous les sympathisants, tous les électeurs qui se sont ligués pour qu’elle advienne. Nous échouons à quelques efforts et à 4000 voix près. Trois fois rien. La tristesse de Nicolas est la nôtre.
Le plus dur, hélas, arrive. Il est encore devant nous. Il va falloir tenir et se ressaisir. Nous en avons la possibilité. Si je m’inquiète de nos campagnes sans repères, de cette ruralité inquiète de son identité, tentant éperdument de conserver un modèle de civilisation centenaire, une culture et ses traditions, mais aussi d’appréhender la modernité, face aux dangers d’une société mondialisée, interrogations qu’il faudra bien résoudre tout comme celles posées par les quartiers de grande pauvreté, La Madeleine d’Evreux, Maison Rouge à Louviers, les Valmeux et les Boutardes à Vernon, les Tours du Levant aux Andelys, dans les villes de l’Eure, à Evreux où nous l’emportons, à Vernon et à Louviers où nous revenons, dans beaucoup de communes, à l’image de ce qui s’est passé à Rouen, à Caen et au Havre, démontrant au passage combien la polémique autour de la future capitale était artificielle, nos scores sont des promesses d’avenir.
Ainsi tout n’est pas gris. A mes yeux, le Front National, celui qui pervertit les âmes et pourrit les esprits, a connu au cours de ce scrutin local une première défaite. Pas seulement morale. En Normandie, il a stagné ou reculé dans les urnes ! La politique, en évinçant cette formation délétère de la table du second tour, en l’empêchant au niveau national de conquérir la moindre région, est redevenue l’affrontement logique entre le camp du progrès et celui du conservatisme. Tant mieux. C’est le bon côté de notre front républicain unilatéralement appliqué. A contrario, il en a également de mauvais. Cette tactique imaginée à Matignon a pu, parfois, sur le terrain, introduire de la confusion dans le débat public. Bien au-delà du Nord Pas-de-Calais/Picardie ou de Provence/Alpes/Côtes d’Azur, je suis persuadé qu’il a pu, ce dimanche, troubler dans notre camp quelques électeurs normands. Qui plus est, ce cancer n’a été stoppé que pour un moment. Il n’a pas été éradiqué. Il prospérera tant que le chômage durera. Il est heureusement d’autres enseignements positifs qu’il faut tirer de cette élection régionale. L’abstention qui conduit à la mort cérébrale de la démocratie a reculé. Les reports à Gauche ont traduit les bons rapports que nous avons su instaurer avec les écologistes, les communistes, les progressistes. Ce sont des signes qu’il faut amplifier, des pistes à creuser pour une stratégie, un programme, une dynamique de Gauche. Dès lors, les seuls mots qui me viennent à l’esprit pour demain sont résistance et reconquête.
Je vous embrasse ou je vous prends dans mes bras.
Marc-Antoine Jamet
Premier secrétaire de la Fédération de l’Eure du Parti Socialiste