12
MAR
2011
Val-de-Reuil n’est pas le Puy-en-Velay
A l’occasion de la visite à Val-de-Reuil de Monseigneur Nourrichard, Evêque d’Evreux, le samedi 12 mars 2011, Marc-Antoine Jamet, qui avec les élus du Conseil municipal a présenté à l’Evêque les transformations en cours du germe de ville et le programme de rénovation urbaine, a pu rappeler les contours et les exigences véritables de la laïcité alors qu’étaient inaugurées les installations de chauffage de l’Eglise de la Fraternité.
Principe discuté parce que principe vivant, la laïcité est au cœur du pacte républicain. A Val-de-Reuil, dont la diversité constitue l’identité, où se mêlent, dans une seule communauté, nationalités nombreuses et croyances multiples, elle est la condition première du vivre-ensemble, de ce « plébiscite quotidien » qui fait l’attachement, pour reprendre les mots de Renan, à un ensemble collectif, uni et solidaire. Les élus du Conseil municipal de Val-de-Reuil et moi-même y sommes profondément attachés et nous avons retrouvé cette dimension dans les mots employés, aujourd’hui, par l’Evêque d’Evreux, mots du partage, mots de la solidarité, mots de la compréhension et du refus du fondamentalisme. Au-delà des chapelles et sans vivre la même réalité spirituelle, comment chacun ne se retrouverait-il pas dans un message de fraternité et de libération ?
La laïcité n’a pas besoin d’adjectif, de qualification – fut-elle « positive » – pour faire sens et s’imposer. Pourtant, dans les faits, en France, il y a aujourd’hui incontestablement deux laïcités : une laïcité instrumentalisée, la mauvaise ; une laïcité juste et précise, la bonne.
La Laïcité instrumentalisée, nous l’avons entendue au Puy-en-Velay, conservatrice, apeurée, prenant pour cible ce qui est étranger ou différent. Loin de tolérer, loin de dialoguer ou de fédérer, cette pratique de la laïcité n’en est pas une. C’est pourtant elle, savamment orchestrée à coups d’anathèmes honteux, d’amalgames tranquilles et de débats biaisés, qui nourrit chaque jour une extrême-droite familière de cette supercherie supplémentaire, se complaisant dans le rejet de l’autre et le communautarisme qui sont les deux mêmes figures de la balkanisation sociale et du déclin intellectuel du pays. Incapable de rassembler, le Président divise. Illégitime à revendiquer l’héritage républicain égaré dans les discours de Dakar ou du Latran, il encense un patrimoine chrétien ré-imaginé aux couleurs de l’agonisante UMP. A quand « les Rois qui ont fait la France » préféré à Jules Ferry, Gambetta, Clemenceau ? La leçon de dérapage est simple : quand on stigmatise, on ostracise, on attise.
La bonne, la conception juste, précise et équilibrée de la laïcité, la laïcité tout court, c’est celle qui, avant tout, ne refuse jamais la prise en compte, ni l’examen des problèmes. Pas de vision étriquée ou passéiste. Nous ne sommes plus à la veille de 1905. La laïcité n’est pas une machine de guerre lancée contre les autres religions. C’est un outil offert à chacun pour pratiquer sa religion et à celui qui n’en pratique aucune, ce qui est mon cas, comme une majorité de Français, d’être respecté.
Dans ce cadre, il est impératif que les responsables publiques échangent, consultent et réfléchissent, comme nous le faisons à Val-de-Reuil avec les responsables de chaque communauté religieuse. Avec nos compatriotes musulmans, l’important n’est pas tant d’ouvrir un débat pyromane, à 12 mois des élections, sur leur place dans la Cité et la Nation. La vérité, la dignité, la prise en compte de la réalité imposeraient de dire que le seconde religion du pays ne peut continuer à être pratiquée dans des hangars et dans des caves, enseignée par des Imams importés des monarchies du Golfe ou des ex dictatures du Sud de la Méditerranée, laissée aux mains de quelques-uns. Il est temps que débute un travail sincère de consolidation républicaine et d’apaisement démocratique. Il passe par deux exigences : la formation républicaine d’un clergé et l’édification de lieux de culte. A Val-de-Reuil, une mosquée où tous les musulmans de la ville, sans distinction d’origine, pourraient venir prier, est une nécessité. La question du rôle des pouvoirs publics dans ce processus est posée. Doivent-ils détourner la tête et laisser les extrémismes s’en emparer ? Doivent-ils organiser, garantir, réguler ? La question est légitime. C’est celle du choix entre le désordre et la tolérance.