Et pourtant des milliers de messages, peut-être même votre liste de chansons préférées, voire vos photos de vacances sont peut-être stockés ici. C’est « le plus grand data center de France fonctionnant en free cooling », cette technologie de « rafraîchissement libre » qui utilise l’air extérieur, frais mais tempéré, pour diminuer la température des salles informatiques où sont hébergés les serveurs, réduisant le recours à la climatisation, plus de 11 mois par an.
Ce n’est pas le plus grand de France – les salles informatiques proprement dites n’occupent à ce stade que 5.000m2 quand celui d’Equinix à Pantin s’étend sur 12.000m2 – mais c’est la vitrine technologique d’Orange pour ses offres de « cloud computing », d’informatique dématérialisée et de stockage à distance, un marché en forte croissance (+46% selon IDC) et des axes du plan Conquêtes 2015 du PDG Stéphane Richard.
Son premier client… Orange
La construction a duré deux ans et nécessité un investissement de 100 millions d’euros. « Le nuage n’est pas si éthéré : pour faire du cloud, il faut d’importantes infrastructures » glisse Delphine Ernotte-Cunci, la directrice exécutive d’Orange France, devant les impressionnants groupes électrogènes. Sas sécurisés comme dans une banque, caméras, identification biométrique à l’entrée des salles : les clients et prospects sont invités à venir constater sur place la modernité et la sécurité des installations, et défilent, à raison de deux visites par semaine depuis l’ouverture il y a un peu plus d’un an.
Pour l’instant, le premier client de « Normandie » est tout simplement Orange, pour ses besoins propres : il y transfère progressivement son système applicatif. « On boit notre propre champagne !», plaisante Delphine Ernotte. D’ici cinq ans, l’opérateur veut d’ailleurs fermer les plus petits centres de données et n’en garder que quatre ou cinq. Le deuxième client du centre normand est le groupe britannique de chauffages et sanitaires Wolseley.
Orange Business Services, la branche Entreprises, met en avant la localisation en France des données auprès de ses clients, un sujet qui suscite beaucoup de questions après l’affaire Prism, qui « favorise le dialogue ». Un espace a aussi été réservé à Cloudwatt, l’entité de « cloud souverain » détenue à 44,5% par Orange, à 22,5% par Thalès et à 33,5% par la Caisse des Dépôts, qui s’adresse aux PME, TPE, auto-entrepreneurs et particuliers (50 Go gratuits).
« La capitale des data centers »
A contrario, les données des clients de l’offre grand public « le Cloud d’Orange » sont encore hébergées chez un partenaire, Atos. Cependant, « Orange envisage de rapatrier, en toute sérénité, ces données dans ce data center pour engranger les pétaoctets [millions de gigaoctets NDLR], comme le permet la clause de réversibilité du contrat » explique Laurent Bénatar, le directeur des systèmes d’informations de l’opérateur.
Le centre de Normandie a vocation à devenir le plus grand centre de France : Orange espère ouvrir d’autres salles de serveurs à Val-de-Reuil, le terrain de 18 hectares pouvant accueillir au total 4 data centers sur 22.000 m2. Marc-Antoine Jamet, le maire (PS) de la commune (par ailleurs secrétaire général de LVMH), espère faire de Val-de-Reuil « la capitale des data centers. » Très endettée, l’ex-ville nouvelle du Vaudreuil, qui ne compte que 16.000 habitants contre 140.000 espérés à sa création en 1975, en abrite déjà deux autres, l’un d’EDF et l’autre d’Altitude Télécom.