8
MAI
2013
Allocution du 8 mai au Monument Mémoire & Paix
Chers amis,
Je veux saluer Janick Léger, « notre » vice présidente du Conseil Général, Catherine Duvallet, première adjointe, et l’ensemble du Conseil Municipal. Je remercie de sa présence Isabelle Aubin, notre commissaire de police, avec qui je corresponds chaque dimanche non pour échanger des mots doux, mais afin de partager des informations sur la sécurité des Rolivalois et faire le point sur les affaires en cours (ce dont je lui suis très reconnaissant). Je suis également heureux que nos trois grands services publics, l’administration pénitentiaire, le bassin d’essais des carènes et l’EPIDE soient à nos côtés. Se réunir sans eux serait fort impoli. Je salue bien évidemment les pompiers, fidèles à nos cérémonies et, plus important, plus fondamental, toujours là pour éteindre les incendies. Parmi eux, je distingue Mickaël Jeannin agent émérite du service des sports. Je n’oublie pas notre proviseur Jean-Pierre Cantrelle qui veille à l’apprentissage du savoir par nos enfants, pas plus que le chef de notre police municipale, Christian Avollé, à qui il arrive de veiller, lui, sur la sortie des classes. Je veux dire mon respect à nos porte-drapeaux, à nos anciens combattants, derrière leur Président Jean-Pierre Perrault, et, singulièrement, à M. Le Guen, aviateur de la base 105 d’Evreux dont les médailles qui ornent la poitrine vous disent assez l’engagement. J’adresse enfin un salut républicain et fraternel aux habitants qui, nombreux, nous ont rejoints pour cette heure solennelle que dirigera notre collègue Patrick Lozé et qui sera accompagnée par la chorale de l’école de musique emmenée par Laurent Meunier pour chanter Pinchard, Beethoven et Rouget de l’Isle.
Je suis fier que nous soyons ici rassemblés, tous ensemble, autour de notre beau monument à la mémoire et à la paix, en ce matin sans crainte de la pluie qui menace notre Normandie, l’Eure et, donc, la plus jeune commune de France. Les trois cérémonies qui ponctuent l’année, 8 mai, 11 novembre et, la plus essentielle d’entre elles, 14 juillet, ne sont, en effet, pas des moments anodins.
Ce sont des rendez-vous importants que nous donne la République, rendez-vous d’hommage à la Liberté et aux libertés. Si elles ne sont pas en cause, ici à Val-de-Reuil où nos Soljenitsyne de salon, s’expriment à longueur de blogs pour dire… qu’ils ne peuvent s’exprimer, elles restent, de la Chine à la Syrie, de la Russie à la Lybie, d’une autrement plus cruelle précarité dans bien des contrées. Soyons simplement conscients que se réunir ainsi que nous le faisons est impensable dans une majorité de pays du globe.
Ce sont des rendez-vous pour l’égalité des chances, des droits, des destins, objectif premier des treize années de travail acharné que, avec le conseil municipal, nous avons consacrées à notre Ville. Notre assemblée en est l’illustration. Elle mêle toutes les générations, toutes les origines, toutes les situations. Elle n’est pas confisquée par un clan ou une famille. Elle est ouverte à tous. Peu de nos concitoyens sont nés dans notre ville, notre région, voire notre pays. Imagine-t-on, dans une ville nouvelle initiée en 1975, de faire d’une naissance sur la dalle ou d’une enfance rue Pierre Première, d’une dangereuse pureté rolivaloise, l’alpha et l’oméga d’une légitimité. A ce train là, il y aurait beaucoup d’exclus et pas mal de réprouvés dans notre ville.
Ce sont des rendez-vous pour la Fraternité entre les Hommes, rendez-vous collectifs qui constituent un pied-de-nez à l’individualisme qui frappe, parfois, jusqu’aux jeunes gens que la commune a élevés en son sein, oublieux qu’ils y ont trouvé, comme leur famille, leur premier emploi, leur premier mandat, un engagement pour une solidarité effective.
Ce sont des rendez-vous qui forment des repères pour les habitants. Par leur spécificité, car je n’ai jamais vu de cérémonie semblablement organisée dans d’autres villes, ils sont un élément de notre identité/unicité rolivaloise, de notre culture si particulière, un témoignage de la place difficile qu’a dû se faire notre commune sur un territoire où elle n’était pas acceptée à l’origine, où elle a même, quand on relit la presse de l’époque, pu être incroyablement détestée. Mais par leur simultanéité avec toutes les manifestations qui, sur le sol de France, commémorent en ce moment même victoire et fête nationales, elles sont la preuve de notre normalité, de notre intégration, de notre apaisement.
Au-delà des caractéristiques locales que je viens d’énoncer, ce rendez-vous reste un anniversaire. Cela fera 60 ans qu’il a été fixé. La décision politique, ainsi que le rappelait le message du Ministre Kader Arif, en a été prise en 1953, alors même que se constituait, en Europe et pour l’Europe, le couple franco-allemand avec une alternance de succès, dans la communauté du charbon et de l’acier, et d’échecs, dans la communauté européenne de défense, mélange de réussites et de revers qui deviendra le mode normal de gestion de la communauté, puis de l’Union européenne. Moins de dix ans après la seconde guerre mondiale, deux ennemis devenaient partenaires et pourtant ce fut cette année-là que le Gouvernement et le Parlement français décidèrent de marquer solennellement la reddition de l’Allemagne. La mesure avait été ainsi établie de ce qu’il fallait reprocher à notre voisin d’outre-Rhin. Point n’est besoin aujourd’hui d’en rajouter. Pour critiquer leur chancelière, son insensibilité et l’austérité qu’elle applique aux autres, Grecs, Portugais, Espagnols, Italiens, Chypriotes et Français, inutile d’humilier ou d’insulter les Allemands.
Mais cette journée a de multiples autres sens.
Elle invite à la paix en Europe et au rappel de l’amitié entre Paris et Berlin, nécessaire, indispensable, pour que notre continent avance, qu’il soit fort, écouté, prospère. Sans cette entente fondamentale, l’idée européenne recule et les peuples s’en détournent. Sans concorde entre les deux plus grands Etats des 27, les élections européennes qui s’annoncent vont ouvrir un boulevard aux formations extrémistes de gauche comme de droite. Songeons bien dans notre ville, paradis insolite où vivre ensemble signifie encore quelque chose de fort et de vrai, que le repli identitaire est indissociable des réflexes communautaires. Ce sont les deux versants d’une même absurdité.
Elle est un rappel utile de ce à quoi peuvent aboutir la haine de l’autre, la démagogie, le populisme qui, lui aussi, progresse partout : en Italie, en Hongrie, en Pologne, en France et jusque, parfois, dans notre commune où certains marchands d’illusion après le mal atroce, durable, profond qu’ils ont fait à Val-de-Reuil et dont nous n’avons pas fini de payer les conséquences, osent de nouveau se montrer. Oui, notre priorité continuera de nous opposer à eux et pour cela à montrer de l’honnêteté, de la compétence, de l’efficacité. Oui, nous combattons de toutes nos forces le Front national, car c’est de lui qu’il s’agit, et c’est pour cela que les divisions, les dissidences, les dérives individuelles dans les majorités socialistes de notre département, se transformeront, à l’échéance d’avril 2014, en de lourdes fautes coupables, irresponsables, inconscientes. A Evreux, à Vernon, à Val-de-Reuil, on n’ouvre pas la porte d’un scrutin aux fascistes pour se faire plaisir ou par rancune, pour critiquer ou pour bouder. La politique n’est pas un jeu.
Cette journée est aussi une incitation à ce que nous nous souvenions de ceux qui sont tombés pour défendre notre pays, de ceux qui, avec grandeur, avec hauteur, ont incarné son honneur, ses valeurs, de ceux qui ne se sont pas trompés, qui n’ont pas failli, qui n’ont pas eu tort entre 1940 et 1944, même par aveuglement, car, même par découragement, par incompréhension ou par inexpérience, fut un grand crime. Il faut ne jamais oublier les héros qui, pendant cinq ans, à Londres ou en Afrique, avec le Général de Gaulle, avec Mendès, ont dit non à cette France factice et facile, n’hésitant pas à aller à l’encontre, dans un premier temps, de la majorité de nos compatriotes abusés par de vielles lunes et de vaines promesses. A cette époque, l’Histoire ne se comptait pas en jours et il n’était pas exigé d’un homme qu’il change un pays en douze mois. A cette époque, ceux qui avaient commis des fautes étaient justement punis et ne prétendaient pas, après avoir été convaincus de leurs forfaits, se présenter à une élection à Villefranche-sur-Lot ou ailleurs.
Elle est l’occasion d’avoir une pensée, profonde et silencieuse, de rendre le plus juste des tributs à ces hommes qui, à 20 ans, à 30 ans, à 40 ans, au Mali ou en Afghanistan, ayant à peine connu la vie que nous savourons chaque jour, arrachés à l’affection d’une famille identique à la nôtre, mais qui ne reverra plus un père, un fils, un frère tombés aux combat. Je ne suis pas persuadé que l’on mesure toujours l’étendue de leur sacrifice.
Elle est le moment d’espérer et de nous associer par la pensée à nos compatriotes otages de mouvements terroristes, cruels, appuyés sur des réseaux d’argent et de drogue, qui pratiquent des châtiments médiévaux, méprisent la femme et s’en prennent aux libertés humaines, celles dont nous bénéficions quotidiennement, penser, parler, agir et que l’intolérance et le fanatisme voudraient exclure de Tombouctou ou de Kaboul.
Ce 8 mai, dernier d’un mandat bien rempli, utile à Val-de-Reuil, utile pour ses habitants, utile pour leur avenir, qui laisse la commune avec moins de dette, une sécurité meilleure, un cadre de vie plus agréable, des entreprises plus nombreuses, des infrastructures rénovées, est, pour toutes ces raisons, un moment de rassemblement.
Les temps difficiles sont propices aux mensonges et aux illusions. Face aux discordes, aux provocations, aux querelles, une journée comme celle-ci doit nous rappeler qu’il y a toujours matière à résister. La grande cause, à Val-de-Reuil, ce n’est pas de savoir s’il faut une salle des fêtes en plus (elle se construira en 2017), mais comment parvenir à ce qu’il y ait des chômeurs en moins. Le vrai combat, ce n’est pas celui du futsal, activité sûrement respectable, mais c’est celui de l’éducation, pour l’école et nos enfants. Le vrai enjeu, ce n’est pas de savoir si les élus sont gentils ou méchants, mais si les logements des habitants sont décents. La vraie morale, c’est de dire à nos concitoyens que s’il y a moins de manifestations, de communications, ce n’est pas parce que l’on se moque du lien social, mais parce qu’on ne veut pas augmenter leurs impôts, comme cela a été le cas dans le passé, alors que le pouvoir d’achat recule.
J’ai connu notre ville sans administration adaptée et sans moyens réels. J’ai connu notre ville parfois divisée en clans et en familles. J’ai connu notre ville sur la liste noire des acteurs économiques et des pouvoirs publics. J’ai connu notre ville ne pouvant prétendre à aucune aide, aucun crédit, aucun soutien. J’ai connu notre ville accusée et montrée du doigt. Elle a assez souffert. Qui veut ressentir de nouveau cela ? Je n’ai pas envie que Val-de-Reuil connaisse la honte d’une tutelle de la Chambre régionale des comptes, la surveillance d’un Préfet, l’obligation de mendicité auprès de l’agglomération. Ce serait cela la vraie défaite. Nous mettrions vingt ans à nous en remettre.
Aussi ne changerai-je pas de direction. Je continuerai dans les années qui viennent à ne pas augmenter les impôts, comme j’en ai fait la promesse voici treize ans et comme je m’y suis tenu, à désendetter la commune qui doit maintenant deux fois moins d’argent qu’en 2000, à limiter ses dépenses courantes, à investir pour l’avenir de ses habitants, à accroître leur sécurité, à défendre l’environnement et à me battre pour l’emploi.
Je continuerai dans les années qui viennent, avec votre confiance, avec votre soutien, à un être un maire qui aime sa mission, qui aide ses concitoyens, qui évite de leur coûter un seul euro. Je continuerai à faire vivre ce contrat très précis, dont j’ai la mémoire entière des circonstances, des raisons et des conditions, qui amenèrent Bernard Amsalem à me demander de prendre sa suite. Je salue mon prédécesseur tant pour les fondations qu’il posa que pour le silence plein de dignité, plein de bon sens qu’il sût conserver, après sa décision de se retirer définitivement ainsi qu’il l’avait confié, outre à moi même, à Laurent Fabius, à Sylvain Lecornet et à Bernard Fitoussi, Préfet alors attentif aux péripéties de notre ville et qui en tînt les archives.
Voilà ce que je voulais vous dire. Autour de ce monument, nous étions une cinquantaine il y a douze ans. Nous sommes près de deux cents à présent. Ce n’est pas un mauvais indice de satisfaction. C’est aussi cela le lien social. Les paroles que j’ai dites ne sont pas faciles à entendre. Je le reconnais, mais ce sont des paroles de vérité, les seules qui comptent, les seules qui valent, les seules qui peuvent être proférées lors de pareilles cérémonies.
Vive la République. Vive la France. Vive Val-de-Reuil.