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JUIL
2012
« Pour lutter contre la pauvreté, reconstruire nos quartiers et garantir l’égalité des territoires, il faut un plan national de rénovation urbaine de deuxième génération », ma contribution pour le Congrès de Toulouse du Parti socialiste
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Tels qu’ils ont été menés depuis 2001, en dépit du louable désir d’efficacité qu’a pu avoir, au commencement des commencements, un Jean Louis Borloo toujours ébouriffé, mais pas encore phagocyté par l’UMP, le renouvellement urbain est un faux nez et, quelle que soit la sincérité, totale ou relative, de ceux qui ont prétendu l’incarner, la politique de la ville n’a été pour la droite qu’un placebo.
La question, véritable, décisive, urgente, qui est posée dans notre pays par la dizaine de millions de femmes et d’hommes qui vivent ou tentent de vivre dans les espaces qui dépendent de l’ANRU, sur les territoires qui relèvent de l’ACSé, a été pendant une décennie éclipsée. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement celle du devenir des « banlieues interstitielles », comme l’a récemment rappelé Laurent Fabius. Après tout, Nice, capitale de l’Estrosie, accueille aussi, hiver ou été, non loin de l’inaccessible Monaco, entassés dans un habitat sans charme, des dizaines de milliers de précaires, souvent étrangers, pas toujours en règle avec les autorités. A bien y regarder Neuilly, également, est une cité dortoir, satellite de Paris, coupée en deux par un boulevard citadin, dangereusement coincée entre le périphérique et la Défense, désert culturel somme toute assez sinistre et peu ragoutant. Il n’empêche que, pour promouvoir l’égalité des territoires, on verrait plutôt ces deux bourgades mettre la main à la poche que tendre la sébile. Les maladies urbaines n’ont pas uniquement pour cause la difficulté d’une situation géographique ou le déséquilibre d’une démographie. Il y a quelques autres facteurs pour différencier Sarcelles de Saint-Tropez, Val-de-Reuil de Courchevel.
Le critère politique, pour effectuer ce tri, n’est pas davantage le plus pertinent. Au-delà de sa gestion partisane, « la Ville est un espace collectif non spécialisé qui cesse d’exister quand elle n’a plus de poids sur ce qui fait vivre économiquement les gens », ainsi que le notait Michel Rocard dans le style limpide qu’il affectionne. Bref, qu’elle en soit victime ou responsable, la Ville est liée à la crise. Il est de fait beaucoup d’agglomérations en France, certaines très importantes, qui, bien que gérées par la Gauche, connaissent, si on les examine à la lumière de cette définition où, en matière d’urbanité, l’existence précèderait l’essence, une vie prospère –presque pépère !- et, pauvres petites villes riches, n’appellent pas obligatoirement la sollicitude ou l’inquiétude des pouvoirs publics malgré leurs problèmes de circulation, de renoncement aux désherbants chimiques, de capacité à attirer les salons internationaux.
Pour faire la liste des communes ou des quartiers -300 dit-on aujourd’hui- qui devront, au cours du quinquennat qui s’ouvre, être, à commencer par celles qui, ayant rédigé un plan stratégique local (PSL en langage ANRU) peuvent prétendre à des PRU2 expérimentaux, les cibles privilégiées d’une politique d’aménagement du territoire fondée sur une discrimination positive, ce sont des éléments économiques et sociaux qu’il faut prendre en compte. Un taux de chômage important, une désertification industrielle marquée, une dette trainée comme un boulet, une proportion importante de la population vivant des minima sociaux, la prépondérance du logement HLM dans l’offre d’habitat, une population jeune et cosmopolite sont, dans notre pays aujourd’hui, hélas, des obstacles cyclopéens au développement et au mieux vivre, des marqueurs du désespoir, des indicateurs de la misère, la manifestation et la cause d’un ostracisme et d’un rejet.
Afin de mettre fin à cette injustice, le cours naturel des choses, la patience, l’espérance ne suffiront pas, n’en déplaise à François Fillon qui, entre Sarthe et 7ème arrondissement de la capitale, osa déclarer qu’adopter un plan national de rénovation urbaine de deuxième génération (PNRU 2 en jargon ACSé), reviendrait à « verser de l’eau sur le sable ». La question de l’argent dont disposeront les collectivités est fondamentale et centrale. Pour agir dans le champ de l’investissement productif et de la modernisation du service public, sans intervention extérieure, sans dotation particulière, si on laissait égoïstement la paupérisation des quartiers de grande pauvreté s’étendre, les communes ne se différencieraient que selon leurs ressources propres. Les « riches » continueraient de s’appuyer directement ou indirectement (impôts faibles, mais à large assiette, tarifs publics relativement hauts adaptés à leurs usagers et clients aisés, multiples initiatives personnelles participant à l’enrichissement collectif, tissu économique multipolaire, solide et ancien) sur la bonne santé de leurs agents économiques, personnes morales de droit privé ou personnes physiques qui construisent logements, commerces et usines, veillent à l’entretien de leur patrimoine assurant la qualité et la propreté du décor urbain, soulagent l’offre communale de prestations collectives par le recours à des services équivalents (transports, éducation, culture) assurés à prix fort dans la sphère concurrentielle. En revanche, les « pauvres » devraient pour l’éternité assurer l’ensemble des services de première nécessité (assainissement, déchets, voierie, mais aussi petite enfance, écoles, et CCAS) à partir de ressources quasi exclusivement publiques qui continueraient de venir des contributions de leurs habitants (limitées, sauf à pressuriser par des impôts locaux élevés des populations aux revenus déjà particulièrement bas ou par l’emprunt trop généreusement utilisé à « plomber » des générations futures qui n’en peuvent mais) et dépendent donc soit des dotations de l’Etat central (qui viennent d’être gelées), soit des subventions d’autres collectivités (qui ne roulent pas sur l’or pour ne pas dire qu’elles tirent le diable par la queue comme les départements), des participations de leurs partenaires (bailleurs sociaux eux mêmes en période de vaches squelettiques, à force d’être maigres).
Reste l’Etat. Certains, prenant en compte l’état désastreux des finances publiques laissées par le Gouvernement précédent, se croisent les bras et assurent qu’il n’y plus rien à faire ou plus exactement plus rien pour faire quelque chose. On en reviendrait pour gérer 300 points noirs ou gris sur la carte de France, pour faire accroître la fable de leur intégration dans la communauté nationale aux dix millions de personnes qui travaillent, dorment, vivent dans zones sous équipées, aux logements indécents, aux espaces publics déqualifiés, disqualifiés, aux emplois absents, aux transports insuffisants et aux commerces manquants, à accepter un triste retour au droit commun, à ces Palulos, pour prendre l’exemple du logement que par menace, flatterie, échange, le maire de la commune en perdition arrachait naguère à un préfet lassé ou compatissant. Le saupoudrage comme au bon vieux temps ? Ce n’est pas possible. C’est le contraire qu’il faut faire.
Il faut envisager, comme l’avaient fait, entre 1997 et 2001, Marie-Noëlle Lienemann, ministre du logement (qui ne se souvient de ses « 100 millions pour 100 projets » ?) et, surtout, Claude Bartolone, ministre de la Ville, inventeur des Opérations de Renouvellement Urbains (ORU), un plan de financement exceptionnel pour éviter, non pas l’explosion des banlieues ou le désespoir des jeunes, il ne s’agit pas de ce chantage-ci ou de cette dramatisation-là, mais tout simplement un pays à deux vitesses, dont les enfants, suivant leur lieu de résidence, leur adresse postale, plus que leur visage ou leur origine, même si tout est souvent mêlé, vivraient mal ou bien, harmonieusement ou cabossés, suivant qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre des 36000 communes de France. La mixité sociale et urbaine ne s’obtiendra que par la redistribution.
En ce sens, le ministère que dirige François Lamy, inséparable dans son action de ceux de l’environnement et du logement, doit être le fer de lance de l’égalité entre les territoires. Dans la mission qui lui a été confiée par le Président de la République, il est autant question d’urbain que d’humain, de dignité que de béton. Dans le Gouvernement que dirige le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault, il est, au moins autant que d’autres, en charge de la solidarité, de l’intégration, du respect, de la dignité. La lutte contre l’extrême pauvreté des « quartiers » est une absolue priorité des socialistes. Où est la République, où est la démocratie quand un enfant ne peut pas faire ses devoirs chez lui parce que son appartement est froid, obscur, dévasté, un salarié garer sa voiture dans le parking de la cité, parce qu’elle y sera incendiée ou vandalisée, une femme sortir la nuit tombée, parce qu’elle est inquiète de marcher dans une rue mal éclairée, peu sécurisée ? Là est la réalité de ces angoisses quotidiennes qui, dans une société qui ne leur offre pas assez de croissance et d’emplois, vient, en plus, comme une deuxième peine frapper les plus faibles, les mal logés, les délogés à qui une ville nouvelle, comme celle dont je suis le maire, offre un répit, un repos, un asile.
Sans préconiser des recettes, il nous semble qu’un certain nombre d’orientations pourraient nous aider à construire cette ville de demain pivot et pilier d’une société juste, vivante, agréable.
1) Le renouvellement urbain doit être synonyme de diversité architecturale
En se défiant des solutions cosmétiques, non suffisantes, la diversité des formes, des matériaux, des couleurs, des courants, doit s’exprimer. Elle redonne un aspect attrayant, valorisant et réconfortant à nos cités, première étape vers un sentiment d’appartenance et de fierté. La « richesse visuelle/esthétique » est aussi un facteur de mixité. L’ennui, le monolithisme et la répétitivité de formes sans attrait, les matériaux médiocres et les formes mesquines se révèlent, au final, méprisantes pour les occupants et les acteurs d’un quartier. L’avant-gardisme peut au contraire séduire des habitants jeunes issus des classes moyennes que le conservatisme formel du mouvement HLM peut rebuter. La diversité permet ainsi le développement de l’« habitat intermédiaire » au sein des quartiers défavorisés, qu’il importe de développer prioritairement. L’école française d’architecture ne manque pas de talents qui pourraient être davantage convaincus par la puissance publique de se diriger vers les opérations urbaines, d’édifier des équipements structurants qui reste le meilleur moyen, par exemple à Rouen dans le quartier Grammont autour de la médiathèque imaginée par Rudy Ricciotti, de faire venir une nouvelle population pour aboutir à un meilleur dosage social.
2) Le renouvellement urbain doit être une révolution technologique
Nous ne connaissons pas à ce jour l’étendue des usages et services permis par les nouveaux réseaux de communications très haut débit, mais ce champ peut, en résorbant la fracture numérique, révolutionner notre quotidien. L’exemple de la fibre optique est central. En doter un territoire, c’est l’emmener vers le progrès, urbain lorsque il s’agit de télé-gérer l’éclairage public et la diffusion de messages d’information aux habitants, administratif si elle permet d’envisager une e-administration complétée, économique car le développement des entreprises et la création de nouvelles formes productives passent par cet outil, culturel si, par la retransmission, concerts, spectacles, représentations peuvent être partagées dans n’importe quelle commune de France, éducatif si l’on imagine que demain, un enfant alité pourra grâce à son ordinateur suivre les cours en même temps que ses camarades de classe. Energie, véhicules, écoles, les chantiers pourraient s’ouvrir à l’infini dont nos quartiers délaissés pourraient être le théâtre, l’exemple et le moteur.
3) Le renouvellement urbain doit être un renouvellement durable
Mouvement précurseur, mouvement de renouveau, le renouvellement urbain doit intégrer les engagements nationaux et européens vers la réduction par 4 des émissions de gaz à effet de serre en 2050. Or, la majorité du parc immobilier ne répond pas aux impératifs environnementaux du XXIème siècle et les bâtiments représentent 45% des émissions de CO². Nous ne construisons en bâti neuf, par an, que l’équivalent de 1% du bâti existant, au mieux 1,7% dans les villes nouvelles. Ce n’est donc pas avec le neuf que l’on répondra à l’objectif de loger les mal logés, ni que l’on luttera contre le réchauffement climatique. Il est de nombreuses idées vertes qui y participeraient. Les bailleurs sociaux sont souvent attirés par les solutions globales et maximalistes de réduction de consommation énergétique qui régissent leurs programmes, encouragés en cela par une aide financière exponentielle. Ils passent de la sorte à côté de solutions moins « tape-à-l’œil », pas moins ambitieuses, mais moins onéreuses parce que plus ciblées, tout aussi efficaces et importantes aux yeux des occupants (rénovations des sols, des sanitaires, etc.). Autre voie : d’ici à 2050 les besoins alimentaires devraient augmenter de 70 % en même temps que la densification des populations dans des aires urbaines qui ne cessent de s’étaler. Outre jardins ouvriers, suspendus, partagés qui doivent se multiplier, le concept de mini-ferme développé au sein du Laboratoire d’urbanisme agricole est une réponse à cette équation. Des serres maraîchères verticales, de taille réduite, pourraient être conçues comme un élément d’animation des rues et exploitées par des professionnels de l’agriculture dans une gestion partagée avec les habitants d’un quartier.
4) Le renouvellement urbain doit être créateur d’emplois
L’objectif final, si on veut que le fonctionnement ultérieur des quartiers soit à la hauteur de l’investissement que les PRU leur ont consacré, est de permettre aux habitants des quartiers de grande pauvreté de travailler.
L’industrie fait et défait les territoires. En lien avec les Régions pour un programme d’aide à la qualification des jeunes sans diplôme, il est impératif de reconstituer le tissu de PME qualifiées, socle de la création de valeurs dans les territoires. Deux outils sont mobilisables et doivent être intégrés à la réflexion pour un deuxième plan de rénovation urbaine. D’abord l’engagement du Président de la République de créer une filiale de la future banque publique d’investissement dédiée à l’investissement dans les quartiers et à la création d’entreprises. Ensuite, l’on pourrait imaginer une agence nationale pour le développement économique des banlieues, qui, dans un fonctionnement similaire à celui de l’Agence française des investissements internationaux (AFII), aurait vocation à démarcher des entreprises, des marchés, des investissements au bénéfice des villes et quartiers de grande pauvreté. La création d’emplois « francs », dont les exonérations de charges seraient fondées, non sur l’adresse de l’entreprise, mais sur celle du demandeur d’emploi recruté, est une piste intéressante. La généralisation des contrats d’insertion comme l’élargissement des clauses d’insertion aux contrats public-privé sont des impératifs.
Enfin, ajouter dans les programmes de rénovation urbaine un volet transports-désenclavement semble indispensable. Il faut reprendre la proposition du Conseil économique, social et environnemental et réaliser une analyse affinée des déplacements domicile-travail pour établir de vraies stratégies. Des solutions sont possibles. La mise à disposition de deux-roues est par exemple, dans certaines localités péri-urbaines, être une des démarches les plus actives pour le retour à l’emploi.
5) Le renouvellement urbain doit associer les habitants
Les habitants doivent devenir les producteurs de leur cadre de vie. Il faut leur permettre soit de valoriser ou d’acquérir des compétences en développant les richesses locales, soit, y compris dans un cadre coopératif, de participer à la renaissance de leur quartier en multipliant les expériences d’auto production, en favorisant une filière locale de la requalification de petite dimension : actions « d’auto-réhabilitation concertée » où l’occupant est impliqué dans des travaux « mineurs » d’amélioration de son propre logement et secondé par une association, chantiers de construction, ateliers de réparation mécanique, de mobilier ou d’électro-ménager, création d’œuvres urbaines… Cette économie sociale et solidaire de la réhabilitation favorisera aussi bien la réinsertion que les PME.
Mettons également en place des équipes de concertation sur le long terme comme cela existe dans les « Contrats de Quartier » de la Région « Bruxelles Capitale ». Ainsi l’urbanisme du projet urbain, souvent vertical dans son application, de bureaux de « ceux qui savent » vers le terrain de « ceux qui attendent », sera complété par un urbanisme de négociation, de concertation, de proposition plus horizontal, vers le droit à la différence et à des traitements sur mesure.
6) Le renouvellement doit être au service de la mixité sociale
Le Programme de rénovation urbaine a engendré un besoin urgent et réel : l’homogénéisation entre ce qui a été rénové et ce qui ne l’a pas été, au risque de phénomènes de stigmatisation à l’encontre de certains quartiers ou certains logements. Le prochain programme doit revendiquer cet objectif et en profiter pour faire sauter un verrou juridique en réformant la loi de 1965 sur les copropriétés, souvent points noirs des sites rénovés, pour y faciliter l’intervention publique.
Il n’est pas question pour autant de « gentrifier » les quartiers et de ne le rendre accessible qu’aux « bobos », ce qui serait d’ailleurs une vue de l’esprit. Pour assurer une meilleure mixité, plutôt que la création de logements spécifiques dans des bâtiments dédiés, aidons les personnes en difficulté à se loger grâce à des soutiens leur permettant d’habiter partout et de garder leur logement, avec une aide qui diminue si leur condition s’améliore. Plusieurs solutions sont à envisager. A Saint-Ouen, en Seine Saint-Denis, la Mairie, de façon maximaliste, mais intéressante, préempte les logements trop chers. On ne doit plus également se retrouver dans une situation où les plafonds de ressources fixés pour les logements aidés empêchent une famille de classe moyenne de s’installer dans une ville qui a besoin de cette mixité. Enfin, n’hésitons plus à comprendre la misère en couleurs. Osons, comme l’a fait le Haut conseil à l’intégration, pour en faire un outil de contrôle, des statistiques nationales pour mieux lutter contre les concentrations qui parquent les immigrés et les communautés dans les logements dégradés et les quartiers défavorisés.
7) Le renouvellement urbain est un aménagement de tout le territoire
56,7% de la population française habite dans des agglomérations de moins de 10 000 habitants. Campagnes, ensembles pavillonnaires, quartiers d’habitat social connaissent aujourd’hui les mêmes effondrements, les mêmes revenus moyens autour de 850/900 € par mois. La pauvreté envahit de nouveaux espaces populaires produits, hors la ville, dans un marché foncier rendu accessible, en troisième, quatrième, cinquième couronne, grâce à des infrastructures routières favorisant une mobilité individuelle pourtant de moins en moins supportable pour les ménages tant elle est financé par un « troisième loyer », celui des transports après le logement et l’énergie.
Un enjeu majeur est la réhabilitation de la ville/bourg existante en ville/bourg durable. A la politique de la ville doit succéder une politique d’égalité des territoires. Une politique du renouvellement urbain exige un aménagement équilibré du territoire qui ne s’adresse pas uniquement aux 30 millions de Français qui habitent les villes et leur périphérie. Il est fondamental que les ensembles périurbains abritent des secteurs d’activité économique, industrielle, des lieux de créations et de diffusion culturelle. Ainsi pourrait-on lancer un « plan de prévention des phénomènes de concentration urbaine », donner la possibilité de loger plus près de son travail, trouver des solutions alternatives aux investissements colossaux (routes, services) que nécessitent les mégapoles pour définir une politique de grands travaux européens de rénovation urbaine et de mixité sociale avec les fonds ainsi libérés.
8) Le renouvellement urbain doit regrouper toutes les forces d’un territoire
Outre sa complémentarité, son articulation et non sa substitution qui doit être mieux étudiée avec le droit commun, il faut le lier aux autres politiques sectorielles en développant, par exemple, des synergies entre la politique de la ville et les innovations territoriales associées aux pôles de compétitivité et aux universités. Fusionnons les financements. PNRU et pôles de compétitivité ont, chacun, été dotés de 9 milliards d’euros sans pour autant que des potentialités soient explorées entre leurs projets et leur localisation. Il faut renforcer les effets de leviers des actions territorialisées de toute nature en privilégiant la réinsertion des quartiers de grande pauvreté dans la ville, avec une stratégie partagée entre Etat et Régions pour, loin des politiques de guichet, aménager solidairement le territoire.
9) Le renouvellement urbain est un renouvellement humain
L’habitant, autant que le locataire ou l’usager, doit être la cible prioritaire des politiques publiques. Les services de l’Etat en charge du logement semblent parfois extrêmement mobilisés par l’attribution de fonds FEDER à un éventuel futur nouveau label technologique d’éco quartier… N’y a-t-il pas là une erreur stratégique de toujours privilégier les solutions techniques aux solutions sociales qui concernent, elles, l’habitant avant l’habitat ?
Pour la gestion sociale, la politique de la ville actuelle fait un recours très important à de grandes associations nationales, bras armé du service public. Il en résulte une grande dispersion d’acteurs et une lourde gestion financière qui annihile le rôle stratégique des préfectures. Cet objectif (ré)affirmé devrait conduire logiquement à la fusion ANRU-EPARECA-ACSE, au bénéfice de l’habitant et de son territoire, évitant le constat rituel que chaque structure nationale (et sectorielle) a bien rempli ses objectifs, mais pas au même endroit ou au même moment, ce qui fait, à la fin du processus, dans les quartiers réhabilités ou reconstruits, qu’aucun investissement n’est venu redonner à des habitants désespérés un statut de citoyens capables -grâce à des compétences et des ressources sociétales, culturelles et économiques nouvelles- de prendre leur destin en main.
La pauvreté urbaine, au-delà des objectifs de formes urbaines, devrait redevenir le fer de lance de la politique de la ville. Ce n’est pas parce qu’on a créé un équipement public, qu’on a désenclavé le quartier ou qu’on a réalisé la mixité dans le logement que du lien social a été tissé. Il faut à la fois plus de services publics dans les banlieues et plus de service civique. Des accompagnements doivent permettre à ceux qui se sentent exclus d’être soutenus. La commune doit rester l’interlocutrice principale, seule capable d’offrir un quasi guichet unique à l’habitant pour répondre à ses besoins. Pourquoi, dans le cadre d’un prochain programme de rénovation urbaine, ne pas lancer une grande campagne de création d’associations dans les quartiers ? Lien associatif et lien social sont indissociables. Pourquoi, encore, ne pas créer de nouvelles formes de jumelages, « intranationaux », entre une ville qui se porte bien et une ville en situation de précarité ? En route pour l’association Auchel / Courchevel ? En chemin pour la solidarité Grigny / Chantilly ? Guère besoin de modalités très originales : échanges scolaires, associatifs, municipaux, départs en vacances, rencontres sportives peuvent suffire. Les avancées par contre seraient rapides : faire profiter des activités de la ville centre aux habitants de la ville périphérique, sortir du cadre unique de la banlieue, sensibiliser les jeunes à l’approche nationale du territoire.
Conclusion
Les quartiers de grande pauvreté constituent-ils une nouvelle « armée économique de réserve » ? Nos candidats à la primaire, puis le candidat François Hollande durant sa campagne, ont cité l’ambassade américaine qui vient recruter des jeunes dans nos banlieues. Nombre de jeunes très diplômés des quartiers quittent la France pour exercer aux Etats-Unis et Moyen Orient. Les quartiers, que ce soit dit, offrent au pays un formidable et utile vivier de jeunesse, d’intelligence, d’originalité. Les quartiers « en jachères » sont donc ceux en devenir. Il n’y aurait pas de meilleur engrais qu’un programme national de rénovation urbaine de deuxième génération. Il faut réparer, soigner et aimer nos quartiers en grande détresse. C’est un projet humain contre l’exclusion, un axe républicain pour la croissance.
Marc-Antoine JAMET
Premier secrétaire de la fédération de l’Eure du Parti socialiste
Maire de Val-de-Reuil, Vice-président du Conseil régional de Haute-Normandie