Philippe Meoule tient un blog reconnu sur la vie politique locale et nationale. Il m’a proposé et j’ai accepté, à une semaine du vote des militants qui permettra de désigner le prochain Premier secrétaire de la fédération de l’Eure du Parti socialiste, une interview sur ma vision de la campagne, sur mon projet pour notre fédération, sur les premières décisions que je serais amené à prendre si je suis élu.
En voici le texte également retranscrit ci-dessous.
Marc-Antoine Jamet est candidat, après la démission d’Yves Leonard, aux fonctions de Premier secrétaire de la Fédération de l’Eure du Parti socialiste, dont le vote aura lieu les 2 et 3 février dans chacune des sections euroises.
Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil, est mon « patron », tout le monde (localement) le sait. Mais le maire d’une commune n’est pas un patron comme les autres, tant ses responsabilités sont multiples et son dévouement, forcément total.
Pourtant, il semble que sa proposition de candidature ne soit pas du goût de tout le monde… En effet, j’entends et je lis certaines choses, depuis quelques jours, qui m’agacent, tant elles sont fausses et injustes. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé à Marc-Antoine Jamet de réaliser cette interview sur mon blog. Librement.
1/ Quels intérêts avez-vous à vous présenter à cette élection ? Cela a surpris.
Un intérêt personnel et matériel aucun. Je n’en ai pas besoin pour vivre ou exister. C’est peut-être mon originalité. Un intérêt politique, collectif, intellectuel très grand. Je crois à l’engagement au service de notre parti. Quand j’ai coordonné les permanents de Solferino voici quelques années ou ai accepté d’être trésorier du PS, avec Henri Emmanuelli, je n’ai pas été payé pendant quelques mois. Mais nous étions d’accord, ma femme et moi, pour faire ces sacrifices. Je garde un attachement extraordinaire pour cette période, comme pour celle où avec trois ficelles et deux élastiques, nous faisions marcher le groupe parlementaire pour Laurent Fabius. J’aime bien ce travail de l’ombre que j’ai fait pendant vingt ans au service des autres depuis ma première participation au groupe des experts du PS dans les années 80 et j’ai l’envie de mettre à la disposition de mes camarades cette expérience. On me dit qui plus est que la fédé n’a plus un sou. Alors raison de plus…
En tout cas, ma candidature ne cache rien et je ne suis l’instrument de personne. Mon indépendance à l’égard des uns ou des autres sera garante de l’esprit de justice et de concorde que les socialistes de l’Eure doivent retrouver. La réalité, c’est que beaucoup de camarades qui avaient gardé en souvenir la campagne victorieuse que nous avons menée aux dernières régionales m’ont incité à me présenter.
J’ai accepté pour deux raisons essentiellement. D’abord la période, qui nous oblige, à trois mois des élections présidentielles, à rassembler notre famille et à lui trouver très vite un porte-parole suffisamment audible et expérimenté pour mener avec combattivité et efficacité la campagne face à Bruno Le Maire qui a du répondant. Quand Mélanie Mammeri me dit « je sais que si tu faisais le sale boulot dans la 3ème, je pourrais pleinement faire de la politique et gagner », je comprends aussi ce qu’elle veut dire. En 2007 Ségolène Royal était arrivée derrière Nicolas Sarkozy dans l’Eure. Je veux que nous inversions la tendance pour François Hollande en 2012. Aux régionales, nous avons gagné face à deux ministres notre département à la Gauche alors que traditionnellement à cette élection, nous perdions. Il faut faire pareil aux présidentielles. Pourquoi changer une équipe qui a gagné ?
Ensuite, parce que notre fédération doit être mieux entendue dans le débat politique, au niveau local par nos grands élus qui doivent jouer collectif et écouter les militants, au niveau régional pour construire une relation équilibrée avec la fédération de Seine-Maritime que nous avons tendance à regarder d’en bas, au niveau national pour peser sur les instances du PS et ne plus se retrouver avec la moitié de nos circonscriptions réservées à d’autres à Gauche que des socialistes, surtout lorsque les partis avec qui nous avons des accords présentent des candidats y compris là où un socialiste est en lice, sauf dans la deuxième circonscription.
2/ La campagne a commencé. Comment se concrétise-t-elle ? Vous faites la tournée des sections ?
Le besoin de dialogue et d’échanges est grand chez les militants. L’envie de les organiser est bien moins grande chez ceux qui sont partisans de pré-désignations à deux ou trois. Pourquoi faudrait-il étouffer la campagne ? Après nos primaires qui ont été une force et une réussite, c’est à n’y rien comprendre. Je sens que les militants ont envie que leur voix compte. C’est la première fois depuis longtemps qu’il y a une possibilité de changement qui s’offre à eux. Je crois qu’ils la saisiront si le scrutin est honnête. Quand je vois qu’il a été interdit aux sections d’accueillir des candidats, je me dis que nous devons changer notre mode de fonctionnement et notre rapport à la réalité qui nous entoure.
On peut communiquer comme on veut par internet, ce que le site de la fédération muet depuis deux ou trois mois ne confirme pas vraiment, et nous nous tairions entre nous ? Il faut ouvrir la fédération, les sections, nos actions. Pas fermer les portes et les fenêtres. On ne peut se contenter pour se faire une opinion d’une réunion baptisée « officielle » – c’est le terme employé par le Premier fédéral sortant – unique, exclusivement à Evreux où il n’est pas aisé de se rendre pour la majorité des militants. Le jeudi 26, lors de l’Assemblée fédérale des sections, je ferai part de 20 propositions pour faire de la fédération de l’Eure une fédération moderne, victorieuse et respectée. Elles étaient partie prenante de ma profession de foi, mais sans que nul ne m’en informe jusqu’à cet instant, même si c’est peu croyable, elles en ont été ôtées. Je note que ces choix d’organisation conduisent déjà à une absurdité que personne ne semble vouloir noter ou corriger. Parce que nous n’avons aucune date de repli, nous allons obliger nos militants à ne pas regarder le débat Hollande/Juppé qui se tiendra à la même heure que ce rassemblement encadré. Notre premier travail ce devrait être la mobilisation au service de notre champion.
3/ Comment comptez-vous rassembler les différentes personnalités, les différents courants du Parti ? Etes-vous capable de faire ce rassemblement ? Vos adversaires en doutent.
Je n’ai pas d’adversaire au sein du Parti socialiste. Je n’ai que des camarades et nous avons l’habitude de travailler ensemble depuis longtemps. J’allais voir déjà Jean Louis Destans voici près de quinze ans alors qu’au lendemain de revers électoraux il n’y avait pas foule, me disait-il, pour prendre le chemin de Pont-Audemer. J’ai fait toutes les campagnes de Richard Jacquet même quand d’autres, à la CASE, militaient pour ses rivaux. J’ai défendu Rachid Mammeri au bureau fédéral y compris contre mes amis parce que je n’aime pas les anathèmes. J’ai vu Michel Ranger chaque mois pendant des années avant d’être élu dans l’Eure. J’ai proposé à Laurent Fabius son hommage à Gérard Silighini. Je me suis battu pour que François Loncle ait dans ma commune le meilleur score de sa circonscription. Je n’oublie pas ces combats communs.
Ma première action en tant que Premier secrétaire fédéral sera de constituer un secrétariat fédéral collégial rassemblant toutes les sensibilités de notre Parti afin de mener la campagne présidentielle de façon unitaire. François Bouillon, militant d’Evreux et candidat lui aussi, fait la même proposition. Je m’appuierai sur deux instances, insuffisamment ou plus du tout réunies ou écoutées. La première, le Conseil fédéral, l’équivalent du Parlement du PS de l’Eure, sera de nouveau réuni et je tiens à ce qu’il se tienne une fois sur deux de façon décentralisée en dehors d’Evreux. La seconde, que j’appelle la conférence des secrétaires de section, nous permettra de faire, au minimum une fois par mois, un point politique complet avec ceux qui sont localement les premiers des militants. Ils sont la colonne vertébrale de notre action. Ils doivent donc être étroitement associés au travail de la fédération. Le rassemblement est la condition de l’efficacité. Cela vaut aussi avec nos partenaires de Gauche avec qui il faut avoir une relation franche. Je travaille avec les communistes et les verts depuis 11 ans à Val-de-Reuil et depuis 8 ans à la Région Haute-Normandie. C’est un aspect fondamental que je connais bien.
4/ Localement, dans la cinquième circonscription de l’Eure, quelle est votre position ? En cas de candidature de Philippe Nguyen et/ou d’Hélène Segura malgré l’accord avec les verts aux élections législatives, certains parlent d’exclusion.
J’entends comme vous. Exclure, c’est trop facile. Trouver des solutions et gérer politiquement de façon à ce que cela ne se produise pas, c’est plus compliqué. La colère des militants de la cinquième circonscription est compréhensible. Cette affaire illustre bien la fragilité de notre fédération. Une fédération qui ne pèse pas au niveau national se voit imposer le résultat des négociations nationales. Nous ne sommes qu’une variable d’ajustement. Notre fédération aurait pesé, nos leaders auraient fait entendre leur voix lors de nos congrès et en conseil national dont ils sont membres, cela ne serait jamais arrivé. Maintenant tout est-il joué ? Je pense qu’il faut, différemment, retenter notre chance. Je crois qu’il faut collectivement trouver une solution et rouvrir une négociation spécifique pour que la candidature de la Gauche non communiste à Vernon/Gisors/Les Andelys, ne finisse pas à 8%. On ne doit jamais se résoudre à perdre une élection, surtout quand on a toutes les chances de la gagner avec de bons candidats hélas pas encore désignés. On ne doit pas non plus se résoudre à ce que notre Parti perde deux de ses membres les plus actifs et représentatifs. Grâce à Pierre Moscovici, j’ai eu un nouveau contact hier avec le cabinet de notre candidat sur cela.