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DEC
2011
Inauguration de la rue Pierre Castagnou dans le XIVème arrondissement : Pierre Castagnou à Paris parmi les siens
Pierre Castagnou était un militant de Paris, du socialisme et de la Gauche. Il ne vivait que dans le souci d’aider les autres. Avec ferveur. Avec sincérité. C’était sa vocation, presque sa fonction, sa raison d’être. Aucun mystère à cela, aucune de ces ambitions cachées que les médiocres se plaisent à imaginer, incapables de comprendre que le dévouement ne se compte ni en temps ni en argent. Son éducation humaniste lui faisait conjuguer République et solidarité. Voilà tout.
Mais son idéal n’était pas ennemi du concret. Dès les années soixante-dix,il rejoignit les « comploteurs » qui, Villa Montsouris, préparaient l’accession au pouvoir de François Mitterrand. Ce chemin était sa vérité. Il devint son combat. Il ne cessa de l’animer. En section avec ses camarades, dans la fédération compliquée de Paris , dans les responsabilités que Solférino lui donna.
Deux fois, sa vie fut éclairée d’une joie immense : le 10 mai 1981 avec l’alternance dans le pays et le 18 mars 2001 pour l’alternance à Paris. Il devint alors, dans la fidélité totale à Laurent Fabius et le respect entier à Bertrand Delanoë, Maire du 14 ème arrondissement de Paris. Un travail immense l’attendait. Il s’y attela avec modestie et efficacité. Pendant un quart de siècle, il avait parcouru les rues de ce morceau de la capitale pour boiter, distribuer, convaincre. Il en connaissait par coeur les préaux et les salles. Avec la même ardeur, il en arpenta les rues et les places pour construire et secourir. Sur ce territoire, il n’était pas d’élu plus légitime que lui. Le parti socialiste, jamais ingrat en bienfaits pour ceux qui le servent, décida pourtant d’y investir un vert, mon ami Yves Cochet. Pierre Castagnou le prit avec philosophie. Son chagrin était grand. Il le cacha avec grandeur. Le mandat municipal était le plus beau. Il s’y investit à 1000%. Mais si les hommes rendent parfois l’existence bien injuste, le destin n’est pas en reste. Dans l’opposition des décennies, il avait mis son énergie à en sortir, à conjurer la malédiction qui, dans son arrondissement populaire, faisait échouer la Gauche à quelques voix. La plus dure des maladies vint le chercher accédant aux responsabilités. Il l’affronta avec son calme et sa gentillesse. Sans se plaindre ni renoncer. Elle gagna. A un de nos déjeuners du mardi autour de Laurent, nous le vîmes s’asseoir pour la dernière fois à nos cotés. Livide, épuisé, amaigri.C’était saisissant. Il mourut dans les jours qui suivirent. Comme un cardinal à l’Académie, il nous avait rendu sa dernière visite, solennelle et amicale, effrayé ou apaisé, les deux sans doute.
Aujourd’hui ses proche, ses camarades, ses concitoyens, se sont réunis pour dévoiler la plaque de la rue qui portera son nom près de sa mairie, la rue même qu’il voulait appeler « rue de la commune de Paris ». Nous étions plus d’un millier. Personne ne l’avait oublié. Ses amis et ses adversaires. Sa famille et sa section. Ses élèves auxquels il apprenait l’histoire au collège Stanislas et ses compagnons de conviction. Des jeunes et des vieux. Des Français d’ici et d’autres de plus loin. Religions, obédiences et convictions recueillies et pacifiées. Tous, habitants et militants, émus, silencieux, rassemblés.
Au milieu des roses rouges, Pascal Cherki, son successeur, rendit un bel hommage à celui qui, à 14 ans, à leur première rencontre, avait marqué sa vie. Sa femme Claire, elle qui avait tout partagé, les bons jours qui font oublier les épreuves et les mauvais coups sous lesquels on manque de ployer, nous fit rire et pleurer, parlant de son mari comme s’il était encore ici. Bertrand Delanoë lui rendit l’hommage que Paris lui devait. Le Premier magistrat d’une ville doit parfois parler au bord de la tombe de ses conseillers. Il sait les mots qu’il faut employer ou pas. Bertrand lui, sait. Fabius et Jospin, à leur tour, firent le geste que la foule attendait, dévoilant la plaque bleue émaillée sur laquelle le nom de celui qui les avait servis et aimés s’inscrivait. La voix de Mouloudji alors envahit la salle des fêtes de la mairie du 14ème pour une chanson loin des banques et de la récession. « Quand nous chanterons le temps des cerises… ». Fresques et vitraux, tout un décor arts nouveaux, savants allégoriques, ouvriers sublimés, enfants stylisés d’une France forte et généreuse, audacieuse et joyeuse, eurent soudain l’allégresse du Front Populaire. L’espérance cotoyait nos regrets. La promesse de l’avenir se mélangeait au souvenir. Le rayon de soleil venu d’Essaouira, la seconde maison de Pierre, put enfin transpercer la pluie de Paris. Il fallait cette cérémonie. A un juste, justice était rendue.