11
NOV
2020
11 NOVEMBRE – Retrouvez ici le discours que j’ai prononcé ce matin, à 11 heures, au Monument Mémoire et Paix, à Val-de-Reuil, à l’occasion du 102ème anniversaire de l’Armistice de 1918
Commémoration de l’Armistice du 11 novembre 1918
Discours de M. Marc-Antoine JAMET,
Maire de Val-de-Reuil et Officier de la Légion d’Honneur
Monument « Mémoire et Paix »
Mercredi 11 novembre 2020 – 11h00
Chers concitoyens, chers collègues et chers amis, nous voici à nouveau réunis dans cette crypte à ciel ouvert entre la forêt, les champs et la rivière aux accents de quelques hymnes américains qui nous permettent de saluer la victoire de Joe Biden, rare bonne nouvelle dans un océan de morosité.
Élever au grand jour ce qui, d’ordinaire, est souterrain, entourer de hauts murs un monument qui, ailleurs, se dresse au milieu des esplanades et des places, préférer, pour se recueillir, l’alliance du gazon et du béton plutôt que l’architecture pesante des obélisques, des urnes et des gisants, célébrer l’avenir, à travers la mémoire et la paix, quand d’autres ne commémorent que des conflits anciens et les souvenirs perdus du passé, voici bien quelques-uns des paradoxes qui forgent la singularité de Val-de-Reuil, ville nouvelle qui ne déteste pas les rituels, cité contemporaine qui respecte les traditions.
Cette cérémonie et ce sanctuaire nous sont donc familiers. Trois fois par an, le 8 mai avec le printemps, le 14 juillet dans la chaleur de l’été, le 11 novembre sous un ciel menaçant, ils nous rassemblent. J’y suis avec vous depuis 20 ans. Je n’ai pas vu le temps passer. Probablement parce que ces moments d’unité sont importants.
Cependant, depuis qu’un virus nous soumet aux hasards de sa loi, rien n’est plus pareil. L’épidémie est devenue notre quotidien. Contaminations, hospitalisations, réanimations, inhumations, de couvre-feu en confinement, vague après vague, c’est à ce rythme que, désormais, nous vivons. Au jour le jour. A l’école, en famille, au travail, dans les commerces, la maladie fait son tri et ses ravages, autrefois lointains, se constatent sur notre territoire, parmi nos proches, jusque dans nos rangs. Faute d’un médicament, le meilleur moyen d’en guérir reste encore de ne pas en être atteint…
Aujourd’hui l’annonce faite par Pfizer d’un vaccin est un formidable espoir pour l’humanité toute entière. Mais, sans même évoquer ses effets secondaires et sa durabilité, il recèle, sa part de doute et de cruauté. S’il ouvre la possibilité d’un recul et, pourquoi pas, d’une disparition de l’épidémie, il ne pourra y parvenir, dans notre pays, qu’au terme des six prochains mois. 40.000 personnes en sont déjà décédées au cours des six derniers. C’est dire que, dans l’intervalle qui nous séparera de l’immunité quasi générale, naturelle ou provoquée, chaque semaine, au moins jusqu’à noël, nous compterons de nouveaux morts par centaines, souvent les plus faibles et les plus âgés, parfois les plus pauvres d’entre nous : tous ceux qu’une Nation démocratique et développée par un dispositif de santé publique fondé sur la priorité donnée à un système hospitalier performant et financé, performant parce que financé, à une médecine de ville écoutée et soutenue, soutenue parce que écoutée, aurait dû mieux protéger.
Alors ne relâchons pas nos efforts : conservons ce masque insupportable et indispensable en toute occasion, évitons les contacts et les réunions, limitons nos déplacements, pour les autres, pour nos parents et nos proches, pour ceux qui sont plus vieux ou plus fragiles, pour nous-mêmes après tout, continuons d’adopter urbi et orbi, sur le marché ou en mairie, les gestes-barrière parce que ce sont les seuls qui vaillent et les seuls qui sauvent. Soyons responsables parce que prudents et vigilants. Nous nous épargnerons ainsi bien des tourments.
C’est au nom de cette obligation que, comme pour la commémoration de la victoire de 1945 sur la barbarie nazie, voici six mois, nous avons décidé que cette manifestation républicaine et patriotique, même si elle devait avoir lieu, se tiendrait à huis-clos. Pour autant, dans nombre de communes, elle a été purement et simplement annulée. Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Il m’appartient de le justifier. Devant vous qui êtes mes collègues et mes compagnons. Devant les habitants que je salue et qui peuvent nous rejoindre sur le compte FaceBook de la Ville et qui, à chaque fois que nous leur avons proposé, ont été plusieurs milliers, en direct ou en différé à nous suivre avec intérêt, curiosité ou amitié.
La raison fondamentale de ce maintien n’est pas très compliquée à trouver. Elle est inscrite au début de l’article 1ernotre constitution. « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Ces valeurs sont permanentes et universelles. Il n’y a pas d’éclipses ou de repos pour la liberté, l’égalité, la fraternité. Élus du suffrage universel, nous en sommes pendant six ans les ambassadeurs : au conseil municipal, dans les cours d’écoles, à chaque manifestation, sur le parvis des usines ou du théâtre, aux mariages et, parfois, aux enterrements, dans chacun de nos gestes et à l’occasion des fêtes nationales. La crise ne doit rien y changer. Notre pays nous a donné de petits cailloux blancs. Ce sont ceux de la démocratie, de la solidarité, de l’égalité des chances et de la justice sociale, ceux de la tolérance et de la bienveillance également. Ils ne doivent pas rester égoïstement, paresseusement, dans nos poches. Partout où nous allons, nous devons les répandre sur le sol et dans les esprits pour permettre à tous nos compatriotes, à tous nos administrés de toujours retrouver le seul chemin qui compte : celui du « vivre ensemble ». C’est notre rôle. C’est notre mission.
Seconde raison que vous partagerez, je l’espère, ces rendez-vous sont ceux que nous fixe la France à l’intérieur de frontières et de paysages que vingt siècles ont façonnés. Ces instants, d’une certaine façon, nous y sommes convoqués par l’Histoire à l’invitation, à l’imitation des figures, des héros et des modèles qu’elle nous a légués. Ce sont de justes habitudes, de nobles coutumes dont, comme la pratique de notre langue, nous avons hérité, soit par la naissance, grâce aux automatismes du sol ou du sang, soit par préférence et par l’intégration, seule perspective raisonnable à moyen terme, pour ceux qui ont volontairement obtenu notre nationalité ou choisi de s’associer durablement à la communauté française. C’est de ce creuset qu’est extrait l’alliage de notre identité partagée, non pas au-delà, mais au-dessus des races et des origines.
Dans les champs qui nous entourent et que l’INRAP soumet à la souffrance de ses fouilles incessantes, il reste un peu de Vercingétorix et de Clovis, de Bouvines, de Crécy et d’Azincourt, des comptoirs de Montcalm et de Dupleix, de l’éclat du roi soleil et du tumulte de la Grande Révolution, des drapeaux du pont d’Arcole et de la Commune de Paris, des poilus de Verdun et des mutins de Craonne, des maquis du Vercors et des martyrs de Birkenau, de Jaurès, Blum et Mendès France, qu’il faut citer en ce centenaire effacé du Congrès de Tours, de la colonisation et de la juste émancipation des peuples qui la rejetèrent, des trente glorieuses, de notre fondateur Georges Pompidou et des barricades de mai 68, de la construction de l’Europe, de l’abolition de la peine de mort et de François Mitterrand, de la libération des femmes dont la Panthéonisation de Gisèle Halimi pourrait rappeler aux jeunes générations étonnées qu’elle fut, il n’y a pas si longtemps, une longue marche contre le conservatisme et les idées installées. A Val-de-Reuil, très localement, très modestement, très fièrement, nous sommes demeurés propriétaires d’une part de ces actes, de ces dates et de ces mots.
Ce n’est pas rien. C’est pourquoi la Ville est pavoisée de bleu, de blanc et de rouge. C’est pourquoi la Marseillaise va retentir. Nous sommes ici les porteurs de cet imaginaire tricolore, de ce récit national et nous devons le transmettre à nos enfants. Il y a encore des chapitres à écrire de l’épopée hexagonale. Plus réjouissants et plus enthousiasmants que les tristes épisodes que, sans boussole et sans horizon, nous vivons depuis quelque temps. Comment sauraient-ils que là leur devoir, si nous ne laissons pas le livre ouvert sous leurs yeux.
Qui plus est, si nous ne nous mobilisons pas pour rappeler que ces symboles sont les repères de la Nation toute entière, d’autres, moins bien intentionnés, auront tôt fait de les confisquer transformant des faits indiscutés en « détails de l’Histoire » à leur petit profit. Je vous assure, femmes et hommes, nouveaux et anciens conseillers, que nous faisons œuvre utile en donnant pour cette heure sacrée de notre temps et de notre énergie à la collectivité.
Clemenceau en parlant des anciens combattants disait : « ils ont des droits sur nous ». Chaque 11 novembre, dans une trentaine de pays, la plupart restés ou devenus alliés et amis, les 18 millions de morts, civils et militaires, de la première guerre mondiale se rappellent à nous. Aucun survivant, évidemment, n’existe plus qui puisse dire ce qu’a été cette boucherie, mais il est une sépulture qui, depuis exactement cent ans ce matin, depuis le 11 novembre 1920, abrite un combattant français, pour toujours inconnu et à jamais illustre. Un bouquet de fleurs déposé sur son cercueil le désigna pour reposer au pied de l’Arc-de-Triomphe. Vers lui doit aller, quelles que soient les circonstances, notre reconnaissance. Nous ne pouvions, au prétexte de nos peurs ou de nos craintes, refuser de lui rendre notre hommage, enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants de ceux qu’il contribua à défendre, jusqu’à la onzième heure du onzième jour du onzième mois de l’année 1918, jusqu’à ce que retentit dans les tranchées le clairon sonnant la fin des hostilités.
Tout comme il était impossible de ne pas s’incliner devant l’ombre géante du Général de Gaulle, né il y a 130 ans, mort il y a demi-siècle, après avoir, par deux fois, le 18 juin 1940 et le 1erjuin 1958, au-delà des clivages et des controverses, incarné la France et permis, avec son panache et sa vision, ses excès et sa démesure, qu’elle renaisse, qu’elle ressuscite aux yeux du monde.
Comment ne pas saluer enfin, comme l’a fait dans son message la Ministre en charge de la mémoire, la dépouille de l’écrivain solognot et académicien français Maurice Genevoix qui, aujourd’hui, franchira pour l’éternité le seuil de l’ancienne église plantée au sommet de la Montagne Sainte-Geneviève emmenant avec lui « Ceux de 14 », ceux de la colline des Éparges où il fût frappé de trois balles, ceux qui ont subi pendant cinq ans, jusqu’à l’armistice signé à Rethondes, la faim, le froid, le feu qui blesse, qui ampute et qui tue. Aux grands hommes la patrie reconnaissante !
A ceux tombés dans les tranchées, il faut fédérer ceux tombés en mai 1940, ceux de Londres, de la résistance autour de Jean Moulin ou du Parti Communiste, ceux du débarquement en Provence et des armées françaises qui, avec De Lattre, Koenig, Leclerc et Juin, marchèrent de Rome à Strasbourg, de Paris libéré à Berchtesgaden, ceux qui perdirent la vie en Indochine et en Algérie face à des peuples qui s’émancipaient de notre tutelle, ceux de la division Daguet durant la guerre du Koweït et de notre Marine Nationale dans le Golfe Persique, ceux des interventions au Tchad, au Zaïre, en Côte d’Ivoire ou en Centrafrique, des opérations au Liban, dernier pays où on exécuta, sans être autrement puni, un ambassadeur de France, en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Lybie, en Irak et en Syrie, ceux qui se battent aujourd’hui au Niger, au Burkina et au Mali contre le terrorisme pseudo-islamiste.
A l’invitation du Président de la République, je veux citer devant vous pour que nous retenions leur nom les chefs de bataillon et d’escadron Clément Frison-Roche, Benjamin Gireud, Nicolas Mégard et Romain Chomel de Jarnieu, les capitaines Pierre-Emmanuel Bockel et Alex Morisse, le Major Julien Carette, les adjudants Alexandre Protin et Jérémy Leusie, les maréchaux des logis-chef Valentin Duval, Antoine Serre et Romain Salles de Saint-Paul, le maréchal des logis Andy Fila, les brigadiers Tojohasina Razafintsalama et Arnaud Volpé, les légionnaires Andreï Jouk, adjudant, Volodymyr Rybontchouk, caporal-chef, Dmytro Martynyouk, brigadier-chef, Kévin Clément, brigadier, tous morts pour la France, contre le djihadisme, le fanatisme et l’obscurantisme. C’est à eux, probablement qu’il faudra dédier la minute de silence que nous allons respecter dans un instant après avoir entendu la sonnerie aux morts.
A eux et à d’autres qui ne pouvaient imaginer que la bataille que ces soldats livrent pour la démocratie, se poursuivrait sur notre territoire, à la porte de nos églises et de nos écoles. Nous nous sommes tous arrêtés, voici deux semaines, pour marquer notre émotion devant le lâche assassinat d’un professeur d’histoire et de géographie à Conflans-Sainte-Honorine. Notre colère ne doit pas retomber. Samuel Paty avait étudié pour que les autres apprennent, parlait pour d’autres s’expriment, disait la vérité pour faire reculer le mensonge. C’était ainsi qu’il concevait son beau métier d’enseignant. Il en est mort, tué, non par l’Islam, mais par un fanatique borné, par un imbécile embrigadé, par un criminel attardé que rien n’excuse. Nul sur cette terre n’a le droit d’enlever la vie à qui ce soit, pas plus au nom d’une religion que d’une autre opinion, pour un dessin ou pour quelque autre raison.
C’est pourquoi, pas davantage que nous n’avons oublié le meurtre du père Hamel, en Normandie, à vingt kilomètres d’ici, nous n’oublierons ceux commis à Nice du sacristain Vincent Loquès, de Simone Baretto-Silva et de Nadine Devillers, victimes innocentes de la haine et de la bêtise conjuguées dans un cerveau manipulable. Pas plus que les morts de Vienne, les étudiants de Kaboul, les élèves de la Madrassa de Peschawar, tous musulmans, les familles du Cameroun ou du Nigéria tuées par Boko Haram, celles du Mali et du Niger exterminées par Daech ou Al Qaïda. Ce ne sont certainement pas les mosquées qu’il faut fermer, mais la folie et la violence qu’il faut éradiquer.
Complémentaire de la plus extrême fermeté, il n’y a pour cela qu’une seule voie. J’en suis intimement et politiquement persuadé. Donner aux femmes et aux hommes, sans exception, les instruments du libre-choix, du libre-arbitre, de la libre-détermination, loin des archaïsmes, des pesanteurs et des préjugés. C’est ce que nous nous efforçons de faire, à notre échelle, avec les compétences qui nous sont données, à Val-de-Reuil, en veillant sur les Rolivalois et en leur donnant des moyens pour se prémunir autant que faire se peut du virus, en maintenant le service public ouvert au CCAS, aux services techniques ou en mairie, en nous appuyant sur une police municipale agissante et aux effectifs augmentés, en étant aux côtés de nos instituteurs et de nos professeurs de la maternelle au lycée, en aidant nos commerçants et nos artisans, en soutenant nos entreprises, en encadrant nos jeunes, en offrant au plus grand nombre sports et culture, en réclamant le renforcement de notre commissariat, en n’arrêtant aucun des grands chantiers publics ou privés qui modifieront la physionomie de notre ville demain, le complexe Léo Lagrange, de nouveaux logements, le skate-park, la rénovation du Quartier de l’Andelle aux normes de l’éco-quartier, un budget solide et une dette remboursée, des entreprises implantées, l’école Victor Hugo, des pistes cyclables, des résidences pour personnes âgées et une promenade des Tilleuls devenue coulée verte.
Tout cela et beaucoup d’autres choses sont enclenchées et nous saurons les terminer pour l’amélioration de nos conditions et de notre cadre de vie. Ce succès n’est pas à mettre au crédit de tel ou tel. Il n’est pas de bonne gestion sans bonne équipe. Puisque nous sommes entre nous et que les Rolivalois sont, par la force des choses, un peu éloignés, je voudrais vous remercier, anciens conseillers ou élus fraîchement désignés, femmes et hommes de bonne volonté, progressistes, écologistes, socialistes, radicaux ou tout simplement désireux de travailler et d’avancer avec moi pour notre Ville, de la bonne ambiance et du bon esprit dont vous faites preuve, des initiatives et des idées que vous apportez, de l’exemplarité et de l’effet d’entrainement que cette attitude provoque, de votre implication et de votre engagement, de votre fidélité et de votre loyauté aux valeurs qui, comme ce sera le cas aux prochaines départementales, ont conduit notre liste à la victoire. Face à nos adversaires et face à l’adversité, nous avons deux armes collectives : la solidité et l’unité. Pour nos concitoyens, nous n’avons qu’un seul objectif : le bonheur de chacun.
Vive Val-de-Reuil, Vive la République, Vive la France.