ACCUEIL | AGENDA | REVUE DE PRESSE | EQUIPE | CONTACT | MIEUX ME CONNAITRE | PHOTOS

28 SEPT 2020

En 2000, avec Laurent Fabius, nous étions aux côtés de Daniel Dugord pour inaugurer la bibliothèque de Saint Etienne du Vauvray. Maire de la commune entre 1995 et 2001, il l’a voulue, il l’a conçue, il l’a portée. Depuis samedi matin, elle porte son nom.

Discours de M. Marc-Antoine JAMET, Maire de Val-de-Reuil

Baptême de la médiathèque Daniel Dugord

Saint-Étienne-du-Vauvray – Samedi 26 septembre 2020 – 11h00

 

Madame,

Monsieur le Maire,

Chers collègues élus,

Habitants de Saint-Etienne,

Je ne voudrais pas simplement rendre hommage aujourd’hui à Daniel Dugord. Je voudrais aussi être un messager et un témoin.

Le messager du Président du Conseil Constitutionnel, Laurent Fabius, avec qui je parlais encore hier soir de celui que nous honorons à cet instant et qui m’a demandé d’être sa voix auprès de vous tous qui êtes réunis pour le fêter, auprès de vous, Madame, son épouse, qu’il salue chaleureusement, autour de sa famille, avec vous, Monsieur le Maire qu’il sait, pour bien vous connaître depuis M-Real, disposer de la bonne boussole, du bon compas, des bons instruments de navigation, pour suivre les bons vents et gagner les bons combats.

Le témoin de ce 18 novembre 2000 puisque j’étais présent. Sur les photos, outre des cheveux plus longs, nous avons tous, sauf Daniel Dugord, vêtu en jeune homme, écharpes et manteaux. Cette matinée eût beau ne pas être vraiment tropicale, elle fût un succès. Elle vit, en effet, se rassembler, ici, à l’invitation de notre hôte stéphanois, nombre de maires. Il me faut également rappeler, quand bien même ce serait désagréable aux oreilles des élus de 2020, qu’ils étaient très majoritairement de Gauche, comme Bernard Amsalem, alors échevin de Val-de-Reuil, ou Daniel Leho, premier magistrat de Thuit-Signol, ce dernier suppléant comme à l’habitude un François Loncle égaré ou mystérieusement absent. Seul notre député Bruno Questel, son légataire et thuriféraire, que je discerne parmi nous, vingt ans après, connaît peut-être la raison jusqu’ici inexpliquée d’une disparition dont il était coutumier.

Par esprit de justice, il me faut avouer que notre réunion sympathique comptait également certains bourgmestres plutôt classés à droite comme Guy Petel de Surville qui, en républicain convaincu, avait trouvé juste de se déplacer pour féliciter un collègue estimé et pertinent de présenter ses devoirs à un ex-locataire de Matignon qui avait pourtant soutenu son adversaire aux municipales cinq ans auparavant. A la veille des sénatoriales, je dois préciser enfin que Sébastien Lecornu, ce jour-là, jouait au cheval de bois sans quoi il serait venu distribuer quelques décorations et autres licences de débit de boissons à la population.

Tous, nous étions donc réunis épaule contre épaule ce qui serait interdit aujourd’hui par Jean Castex devant l’excellent et regretté Préfet Bernard Fragneau qui venait d’être nommé et Patrick Dion, l’inspecteur d’académie en place.

La matinée fût fraîche, mais riche en émotions. Qu’on en juge : il y eût trois inaugurations au cours desquelles furent dévoilées trois belles réalisations emblématiques de l’œuvre de Daniel Dugord et de son héritage légué à l’intérêt général, de son parcours démocratique et de sa trace solidaire, de ce patrimoine républicain qu’il a su apporter à un village de 700 habitants à l’époque – 700 habitants seulement, mesurons sa performance – dans l’Eure, en Normandie : d’abord la rénovation de l’école maternelle inaugurée autrefois par Pierre Mendès France, puis une salle informatique quand ce n’était pas si courant et, enfin, la médiathèque Jules Verne à qui nous allons donner le nom de celui qui l’a voulue, qui l’a conçue, qui l’a portée.

Je revois sa haute taille, sa moustache plus sombre et plus abondante que celle qu’il porta, poivre et sel, à la retraite, ses lunettes métalliques avant d’être en écaille, qui se voilaient lorsque le soleil transperçait les nuages, ses longues jambes donnant à sa silhouette une allure élancée et un petit air de Jacques Tati, son écharpe tricolore qu’il allait fièrement porter pendant quelques mois encore, ne voulant pas d’un nouveau mandat, assuré qu’il était que Martine Lepelleux, qui nous suit depuis sa résidence de la Manche, et Dominique Delafosse, qui est devant moi, suivraient ses pas.

Sans même parler de ses collègues, Daniel Dugord était en bonne compagnie à cette cérémonie. Il y avait convié l’avenir, car je me souviens très bien que, jusqu’aux discours de la salle Claude Monet, il fût entouré d’enfants. C’était un jour de consécration et de joie, un jour de gloire et de reconnaissance, un jour pour lequel il avait travaillé, un jour qui lui était dédié.

Arrêtons-nous un moment sur ce projet et rappelons comment et combien il était à bien des titres exemplaire.

Une médiathèque gratuite et ouverte à toute l’agglomération. Je connais bien ces communes qui apportent, sans toujours avoir un espoir de retour, leurs plateaux sportifs, leurs infrastructures culturelles, à l’intercommunalité et j’en mesure non seulement la générosité, mais surtout la nécessité. Daniel Dugord savait donner et partager.

Une médiathèque associative et bénévole que faisaient marcher les plus anciens au bénéfice des plus jeunes, des enfants, ou les plus instruits, les mieux formés, nos instituteurs, au service de ceux qui découvraient la lecture. J’y retrouve à la fois Daniel Dugord l’enseignant, Daniel Dugord le militant d’Amnesty International et de sa foire aux livres contre racisme et la violence, le bénévole associatif de « Lire et faire lire » (la lecture ! décidément), Daniel Dugord l’encarté intègre et sincère, l’homme de bonne volonté, l’homme de solidarité et de progrès.

Une médiathèque de réseaux et d’échanges abondée par le fonds de la bibliothèque départementale de prêt, donc ouverte sur le monde, le changement et l’actualité. Un mode de fonctionnement synonyme de pérennité sélectionné par Daniel Dugord le posé, Daniel Dugord l’avisé et pourquoi ne pas le dire, Daniel Dugord le rusé !

Une médiathèque qui était un sacrifice pour une petite collectivité. Qu’on en juge : plus d’un million de francs dont 400.000 apportés grâce à l’opiniâtreté de Leslie Cleret, la conseillère générale de ce canton, 800.000 consentis par les contribuables stéphanois qui savaient déjà qu’ils faisaient, sur le conseil éclairé de leur Maire, un investissement dans le savoir et l’intelligence, dans l’éducation, l’informatique et la culture, un placement rentable de deux décennies et, enfin, quelques centimes que j’avais été chercher à la demande du Ministre de l’économie et des Finances, dans une caisse profonde et aujourd’hui injustement décriée, appelée, les plus anciens s’en souviennent, « réserve parlementaire ».

Une médiathèque qui portait le nom d’un visionnaire nantais, Jules Verne, qui pensa la modernité au siècle passé, même si aucun de ses livres n’a imaginé le numérique et l’informatique, et qui va, à juste titre, céder la place à un mathématicien, à Daniel Dugord, à un autre visionnaire pour le siècle que nous vivons.

Alors résonnent les paroles justes et amicales de Laurent Fabius, non seulement ancien Premier Ministre, mais surtout maire sequano-marin : « Monsieur Dugord a été un remarquable chef d’établissement à Grand-Quevilly, car c’est un homme compétent, sérieux, travailleur qui ne s’engage pas à la légère. Ajoutons-y car c’est essentiel une élégance naturelle et un immense attachement à l’école de la République ». Il est des compliments que méritait amplement, pour avoir servi quatre ans comme principal de collège dans cette commune laboratoire pour Rouen, le Maire de Saint-Étienne-du-Vauvray et que beaucoup aurait voulu recevoir pour eux-mêmes. Hélas, ils n’en ont pas fait autant que celui que nous célébrons. Je suis sûr que c’est dans sa lignée que se place Éric Lardeur.

Permettez-moi pour conclure d’apporter brièvement ma pierre à l’édifice que construit notre mémoire et de dire quelques mots plus personnels sur l’enfant d’Hectomare, près du Neubourg, issu d’une famille nombreuse et d’un milieu modeste, hussard noir de la République qui disait tout devoir à l’ascenseur social, intégrant l’école normale à 15 ans pour conclure une carrière dans deux des établissements les plus prestigieux de la région, le lycée Marc Bloch à Val-de-Reuil dont il fût le capitaine valeureux et le lycée André Maurois d’Elbeuf qu’il mena à l’excellence.

Daniel Dugord, amoureux du café, de la culture et du vélo, a été un acteur de ma Ville et un partenaire de sa rénovation. Il a fait de Marc Bloch un lycée de la réussite où se perpétue la cérémonie de remise solennelle du baccalauréat qu’il avait instaurée et que, en son souvenir, je ne manquerais chaque année pour rien au monde. Il y a développé un BTS que, seul, il parvînt à attirer et nous créâmes ensemble l’atelier Sciences-Po qui propulsa vers les élites autrefois interdites nombre de nos enfants. Ce qu’il a fait est toujours fort, utile et vivant. Rares sont ceux qui peuvent en dire autant. Nous avons une dette à son égard. Assurément c’est avec raison, c’est avec logique que Daniel Dugord, qui a bien mérité de notre pays, voit aujourd’hui son nom donné à un lieu d’apprentissage et de transmission, de culture et d’éducation.

Merci.

© 2011 Marc-Antoine Jamet , Tous droits réservés / Wordpress