Discours de M. Marc-Antoine JAMET
Maire de Val-de-Reuil
à l’occasion du Centenaire de l’Armistice de 1918
Monument Mémoire-et-Paix à Val-de-Reuil/
Dimanche 11 novembre 2018à 11 heures
Chers amis européens, chers concitoyens rolivalois,
Cette cérémonie n’est pas banale. Elle n’est pas un anniversaire. C’est une commémoration. On y parle de guerre et, pourtant, elle fait l’apologie de la paix. On y exalte, à juste raison, le courage de ces jeunes corses ou bretons, qui eurent l’inconscience ou la force d’âme, à vingt ans, avec d’autres auvergnats, picards ou normands, de monter à l’assaut d’une colline ou d’une tranchée, pour défendre les beffrois et les clochers d’un pays dont il ne parlait pas toujours la langue. Mais on oublie parfois d’associer au même hommage les tirailleurs sénégalais, les goumiers marocains, les spahis algériens, les auxiliaires indochinois ou malgaches qui, dans le froid et la boue, depuis l’Atlas et les Aurès, Dakar et le Fouta-Djalon, vinrent défendre une métropole que, pour la plupart d’entre eux, ils n’avaient jamais vue.
Cette cérémonie est paradoxale. Elle fête la victoire de la France et de l’Angleterre, alliées aux États-Unis d’Amérique, mais elle réunit, fraternellement, avec les représentants de Ritterhude, unsere freundin Suzanne Geils, et de Workington, our friend Joan Wright, les délégations de trois des grands pays européens qui, vainqueurs ou vaincus, furent les protagonistes de ce conflit. Au cœur des deux batailles de la Marne et celle de la Somme, autour de Craonne et de Verdun, en Artois et en Flandres, sur le Chemin des Dames, au Morthomme ou à Douaumont, il y eut aussi des londoniens, des écossais et des gallois, des australiens, des canadiens et des indiens et, face à eux, des Prussiens, des Rhénans, des Bavarois. C’est le même sang qui battait dans leurs veines. C’est le même sang qui fut versé. Nous le savons aujourd’hui.
Cette cérémonie est à la fois anachronique et actuelle. Elle rappelle la puissance des empires européens qui, en rose ou en bleu, sur les cartes Vidal de La Blache, s’étalaient sur les cinq continents, mais elle marque aussi le début de leur fin, quarante ans avant l’ère des indépendances. Elle mit aux prises 70 nations, mais certaines, la Pologne dont Letchek Tabor le Maire nouvellement réélu (il faut toujours réélire un bon maire) nous adresse un message, ou l’Irlande n’existaient pas juridiquement et d’autres, brièvement apparues, la Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie, ont disparus comme État. Le monde est fragile. Au lieu de s’unir, il se fragmente, il se scissionne, il se divise, il se déchire en Ukraine, en Irak, en Syrie, au Mali et, après tout, en Catalogne aussi, parfois plus près encore…
Cette cérémonie n’est pas anodine. Si, dans une vie, il fallait n’en suivre qu’une, c’est à celle-ci qu’il aurait fallu assister, le 11 novembre 2018, car elle marque un siècle d’histoire. Elle est le regard du XXIème siècle, ses craintes et ses découvertes, sur le XXème, ses progrès et ses folies. Elle fait ressurgir l’image de nos grands-parents, pour les plus âgés d’entre nous, de nos arrière-grands-parents, pour les plus jeunes. Chacun de nous, en Allemagne, gnädige Suzanne, en Angleterre, dear Joan, en France, chers amis, avons connu ou entendu parler d’un homme, jeune, qui, un matin d’août 1914, la fleur au fusil, pensant que la mobilisation n’était pas la guerre ou que, si elle l’était, elle serait « fraîche et joyeuse », a quitté ses champs ou son usine, son atelier ou son troupeau. Constant dont je porte le prénom, né en 1897, avait été mobilisé, envoyé sur le front et aussitôt retiré car, caissier à la Banque de France, on lui demanda de veiller à Pau sur nos lingots. Claude, mon autre grand-père dont je porte aussi le prénom, avait quatre ans en août 14 et connaîtra ensuite, avant d’autres errements, la ligne Maginot, la débâcle et l’offlag, mais son père, Ernest, était officier de liaison auprès de l’armée anglaise. Il participa, en première ligne, aux offensives des Tommies, et fût décoré par ses supérieurs britanniques, amateurs du flegme qui porte leur nom, pour avoir continué de se raser sous les balles d’une attaque aérienne ennemie. Vers la fin de sa vie, l’intéressé confessait ne plus être vraiment certain d’avoir entendu l’avion arriver. Nous les avons connus très âgés ces Théodore et ces Victor, ces Otto et ces Karl, ces Bill et ces Bob. Ils n’avaient pas toujours l’air de héros et pourtant ils en avaient été.
Ni notre Ville, ni ce monument n’existaient quand cette cérémonie fût instituée, mais, depuis le décès de Lazare Ponticelli, il n’est plus aujourd’hui une seule commune de France où l’on puisse entourer d’affection les veuves ou partager l’effroi des survivants de ces quatre années et demi d’épouvantables tueries. Nous sommes désormais à égalité devant cette tragédie. Val-de-Reuil est peut-être trop jeune pour avoir une Histoire, mais ses habitants en ont assez vécu pour avoir une mémoire.
Il y aura cent ans aujourd’hui même, à la onzième heure du onzième jour du onzième mois de 1918, les clairons de l’armistice sonnaient le cessez-le-feu sur toute la ligne de front occidentale laissant les combats se poursuivre et le sang se verser en Orient et au centre de l’Europe sur les ruines des empires austro-hongrois et ottoman. Des démocraties triomphaient et des monarchies abdiquaient à Berlin, à Vienne, à Istanbul. Un jour nouveau se levait sur la France, sur l’Europe et sur le monde.
Un jour nouveau, mais un jour triste, un jour sanglant, un jour d’hécatombe. Derrière l’ivresse de la victoire, des pays vacillants se relevaient comme des boxeurs sonnés. Une immense cicatrice traversait notre pays de part en part. De la mer du Nord à la frontière suisse, un gigantesque réseau de tranchées, de boyaux, de postes d’observation, de barbelés, de cratères de bombes, de décombres encore fumants, de fosses communes et de désolation, courait sur notre sol dévasté.
Après plus de quatre ans d’un conflit qui, né à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, de l’assassinat d’un archiduc autrichien par un étudiant serbe, s’était peu à peu étendu à la quasi-totalité de la planète pour devenir la première guerre mondiale, les canons, les fusils et les mitrailleuses se taisaient enfin. La guerre était finie et, comme sortant d’un interminable cauchemar, dans l’ivresse de la paix retrouvée, les peuples en liesse se juraient les uns aux autres qu’on ne les y prendrait plus, que c’était bien la dernière, la « der des ders », comme chacun le disait dans sa langue et l’espérait dans son cœur. En Français, en Allemand, en Anglais, en Turc, en Polonais.
La guerre, nous savons tous ce que c’est. Ou nous croyons le savoir. Les livres d’histoire, les films documentaires et les films de fiction, les quelques images, les quelques sons qui nous en parviennent sur nos écrans de télévision et par les réseaux sociaux, pire les jeux électroniques enfin, nous en font quotidiennement le récit et nous en proposent une vision, édulcorée et filtrée par d’innombrables censures, dont nous nous accommodons d’autant plus facilement que, Dieu merci, depuis maintenant plus de sept décennies, nous, nous les Français, nous les Européens, n’en avons plus ni subi l’horreur qui est celle de la mort, ni connu la terreur qui est celle des armes, ni senti l’odeur qui est celle du sang. Non, la guerre n’est pas un jeu vidéo. Nos soldats qui se battent pour nous au Sahel ou au Levant savent ce que la guerre, parce qu’elle peut conduire au sacrifice suprême, a de terrible. Nous leur devons le plus absolu des respects.
Ce que nos arrière-grands-parents, puis nos grands-parents, vingt ans plus tard, ont vécu, ce qu’ils ont traversé, ce à quoi ils ont survécu et dont, le plus souvent, ils ne voulaient ni ne savaient parler à leurs enfants, nous n’en avons qu’une bien faible idée. Il est des expériences et des souffrances incommunicables. Jamais dans l’histoire des peuples, l’humanité n’avait consenti un si lourd tribut à la folie humaine. Vingt millions de victimes entre 1914 et 1918, cinquante millions entre 1939 et 1945, tel est le montant de la rançon qu’a exigée et obtenue des hommes ce dieu du carnage, Moloch impitoyable auquel ils ont sacrifié par deux fois leur bonheur et leur raison.
Blasés par l’habitude, soit ignorants, soit indifférents à notre histoire, nous passons chaque jour devant ces monuments commémoratifs que le remords et la piété ont multipliés au centre de nos villes, au cœur de chacun de nos villages et nous jetons un regard indifférent sur ces interminables listes de noms gravés dans la pierre ou le marbre et qu’efface peu à peu le temps. Relisez-les comme je le fais toujours. Ce sont parfois dans nos campagnes des familles entières qui ont été anéanties. Ayons une pensée, en ce jour du centenaire, pour cet effroyable cortège de jeunes hommes, frères, cousins, voisins, que la mort a fauchés au printemps de leur existence. Prenons conscience de ce que notre vieux pays a souffert dans sa chair et dans son âme, de cette hécatombe dont il ne s’est peut-être jamais remis. Un million et demi de morts, quatre millions de blessés sur dix millions de mobilisés. La guerre avait marqué de son signe fatal une maison, une famille, un foyer sur deux. A Liverpool, à Brême, à Rouen ou à Evreux, elle laissait des gueules cassées et des grands blessés, des orphelins, des veuves et des femmes seules qui, par millions, avaient fait tourner l’économie, soutenu l’effort de guerre, travaillé dans les usines d’armement, moissonné les champs, soigné les blessés. Oubliant qu’on ne peut se réconcilier qu’avec son ennemi, à Versailles, elle avait multiplié pour les vainqueurs, les frustrations, pour les vaincus, les humiliations, pour la société des Nations, les désillusions.
Sont-ils morts pour rien, comme on l’a trop souvent dit ? Étrange manière de les honorer que de cracher sur leurs tombes si prématurément ouvertes ! Ces civils que la guerre avait revêtus d’uniformes, entre les mains de qui elle avait mis des armes, qu’elle avait enrôlés sous ses drapeaux, dont elle avait fait sinon des militaires, en tout cas des combattants, aimaient la vie comme nous, auraient pu se marier, fonder une famille, vieillir, mais ils ont accepté de mourir. Par discipline ou par idéal. Pour la patrie, pour la terre natale, pour des valeurs qu’ils voyaient en danger, dans l’espoir d’un monde meilleur et plus juste. C’est bien parce qu’ils sont morts avec Guillaume Apollinaire et Rolland Garros, avec Charles Péguy et Louis Pergaud, avec Jean Bouin et Alain-Fournier, que nous sommes là, c’est à leur mort que nous devons notre liberté d’un côté et de l’autre du Rhin, de part et d’autre de la Manche.
Les clairons de l’armistice n’annonçaient pas la paix, comme nos aïeux ont voulu le croire. Ils ne sonnaient que pour une trêve. Au moins, après deux guerres mondiales, le spectre semble pour toujours écarté des guerres civiles, des guerres intestines, des guerres suicidaires que se livraient les peuples européens, ennemis héréditaires, Français contre Anglais, Français contre Allemands. L’esprit de revanche, le nationalisme westphalien et l’hégémonisme colonial ont disparu. Ne nous faisons pour autant pas trop d’illusions : la guerre n’est pas finie. Nous la menons sous des formes différentes et qu’il nous faut gagner sous peine d’être balayés par l’histoire, contre l’injustice et la misère, pour la justice sociale et l’égalité des chances, contre le fanatisme et l’intolérance, pour la laïcité et la liberté, contre la haine et la violence, pour la fraternité et la solidarité, contre le populisme et le terrorisme, donc contre la guerre et pour la paix universelle. Demain nos enfants feront face aux conséquences du réchauffement de la planète, de la poussée démographique en Afrique et en Asie, de l’envahissement numérique et du recul de l’éthique, de la relégation des banlieues et du mépris des élites, du manque d’eau, de la transformation du travail et du vieillissement des populations européennes. Il y aura deux manière de répondre à ces défis : le rassemblement des intelligences, des talents et des énergies comme nous tentons de le faire ici à Val-de-Reuil, à Ritterhude, à Workington, à Stzum, à Danthiady. Ou bien la rivalité, la compétition, le chacun pour soi et, comme ceux que l’on a appelé les somnambules parce que, à Paris, Londres et Berlin, ils ont provoqué la guerre croyant jusqu’au dernier moment qu’ils n’auraient pas à la faire, l’humanité connaîtra des déconvenues et des drames bien plus graves que ceux dont nous voyons aujourd’hui les prémices se mettre en place. Plus que jamais soyons vigilants. C’est le sens de cette cérémonie.
Vive Ritterhude, Vive Workington, Vive Val-de-Reuil.
Vive la République et Vive la France
J’ai toujours aimé travailler en équipe et avec des équipes.
Pour éclairer les origines de ce coupable penchant, je me garderai de remonter à mon appartenance aux éclaireurs unionistes. Je préfère demeurer en odeur de laïcité avec mes camarades socialises et humanistes. En effet, après l’inscription dans une école maternelle de filles, l’achat du tablier noir du Grand Meaulnes et le choix de l’allemand intensif en première langue, ce sont mes parents, bien que ne priant pas plus Jéhovah que Vishnou, qui, enfant, m’expédièrent, et le dimanche, et le jeudi, dans cette organisation militaro-pastorale. Ils faisaient ainsi de moi la victime en culotte courte, sac à dos et béret, d’une nouvelle de leurs inoffensives, mais déroutantes lubies. Ces scouts protestants étaient la filiale française des YMCA américains. Il ne me fût malheureusement pas permis de connaître les émules hexagonaux des « Young Men Christian Associations » dans la célèbre version qu’en donna par la suite le groupe « Village People ». Ne pouvant imaginer à dix ans ce que deviendrait San Francisco dans les années soixante-dix, je n’aurais d’ailleurs pas compris une décennie plus tôt ce qu’un chef de chantier, un cow-boy, un indien et un policier réunis en Californie pouvaient éventuellement avoir de sulfureux. Cela d’autant plus que ma rencontre avec ces charmants calvinistes se fit plutôt, genre nettement moins rigolo, sur le mode rigueur, morale et ascèse à tous les étages. Au Temple, en la disco point de salut. Au premier soir du premier camp avec de jeunes délinquants, dans une bergerie de l’Aveyron, j’y laissais ma montre (une Kelton !), mais conservais mes illusions. Je crois toujours à l’entraide et à la solidarité. Même si elles ne sont pas payées de retour.
Comme tout le monde, j’ai aussi énormément aimé jouer au football. Mon poste de numéro 5, le stoppeur de toute charnière centrale, me classa définitivement parmi les bourrins, membres particulièrement craints du « club des poètes » qui regroupe les arrières, éléments indispensables d’un championnat « corpo », néanmoins peu réputés pour leur virtuosité technique. A défaut de sauvetages de ballon sur la ligne, quelques cisaillages d’avant centre, certains très limites (j’en ai encore honte et en demande pardon) me valurent la reconnaissance et l’amitié de mes co-équipiers. Ce n’est pas parce qu’on joue plus pour le plaisir que pour le score qu’on aime perdre tous les matchs. Ceci vaut aussi en politique.
Quelques années plus tard, à l’armée, dans un régiment que la misère budgétaire avait privé de ses officiers, je fus bombardé commandant d’un groupement d’instruction. Il fallait naviguer, au quotidien kaki, entre le grand conseil des majors et des adjudants (tous revendiquant quinze à vingt ans de maison, pour le moins !), soupçonneux quant à la légitimité de l’appelé qu’une hiérarchie absurde, à 24 ans et pour un grade d’aspirant, plaçait au dessus d’eux et les 300 « gaziers » qui, pour les meilleurs ne sachant ni nager, ni nouer une cravate, pour les plus fracassés ne pouvant signer de leur nom ou parler français, encore moins se lever à l’heure du clairon ou compter jusqu’à cent, devaient marcher, dormir, manger, atteindre leur cible et passer, sans trop de dommages ou de désespoir, sous mon autorité les douze mois qu’ils devaient à la Nation. Moniteur de tir, écrivain public, conseiller conjugal, démonstrateur de parcours de combattant, prof de gym, comme GO en uniforme, j’ai tout fait ou presque dans ce Club Méditerranée invariablement masculin, parfois maussade, mais où subsistaient les vestiges, désormais ensevelis, d’une mixité sociale et d’une mobilisation universelle qui manquent aujourd’hui à la République. Dans ce milieu « viril » et rustique, partager les ennuis était vital pour survivre et durer. Les « collègues », comme on dit dans la Gendarmerie, me sauvèrent la mise plus d’une fois et je fis de même. Cela me passa l’envie de travailler seul pour quelques lustres.
Comme maître de conférences à Sciences Po, présidant pendant dix ans le jury le plus important de la section « service public », un petit millier d’étudiants m’apprirent également, au fil du temps, que je ne mènerai pas leur barque selon mon bon vouloir et mon simple entendement. Y compris pédagogiquement. Rude et excellente école. Donnant, donnant. Des connaissances et de la méthode contre de la discipline et du respect. Ces derniers ne me furent pas comptés. Dans ce marché tacite qu’il me fallait passer avec les chères têtes blondes et bien faites qui suivaient mes cours de droit, la cogestion n’était pas absente. Même ambiance à la commission paritaire de cet établissement à la tête de laquelle mes pairs m’élurent avec un mandat clair : protéger les simples professeurs, forçats et soutiers du système, contre ses princes et ses mandarins agrégés. Si ce n’est pas du syndicalisme militant cela !
Après l’ENA, où la règle du « chacun pour soi, les coups tordus pour tous » régnait malgré des simulacres de séminaires, des parodies de techniques de groupe et autres exercices collectifs auxquels nul, hélas, ne croyait, la Cour des comptes, « juridiction» réputée solitaire, me réapprit, prolongeant une cure de désintoxication entamée parmi les diplomates de notre Ambassade à Alger, à conjuguer le verbe agir au pluriel. Chaque magistrat pouvait s’appuyer sur des vérificateurs et des assistants, fonctionnaires généreux et aguerris. C’est ainsi que nous partions, parfois à une dizaine, contrôler de plaisantes administrations, l’URSSAF, la CAF, les CRAM, j’en passe et des meilleures. Une vraie volée de moineaux dans le métro. Le rapport était signé de l’auditeur ou du conseiller référendaire, mais il ne tenait souvent que par le travail, l’expérience le talent de ses femmes et des ses hommes qui l’accompagnaient.
En cabinet, en acceptant le rôle composite de capitaine, de confesseur, de maître d’école ou de chef de patrouille, j’ai du animer et manœuvrer le lourd cortège de recteurs, de préfets, d’inspecteurs de ceci et d’importants de cela, bref d’experts et de pontes en tout genre dont Henri Emmanuelli, puis Laurent Fabius, me gratifièrent en me nommant à leurs côtés jusqu’en 2001. Pour le compte du « plus jeune premier ministre qu’a connu la France », à l’Hôtel de Lassay, j’ai réussi, je crois, à transformer l’armée de conseillers dont il avait tenu à s’entourer en une assez joyeuse bande, compétente et manoeuvrante, unie derrière un homme et un projet. J’y ai gagné pour la vie ce titre ironique de « Monsieur le directeur » qui me faisait me retourner pour voir à qui d’autre que moi il était naturellement destiné et dont, vingt ans après, me bombardent encore tous les huissiers de l’Assemblée Nationale. Privilège un peu sot, ce passé me fait toujours entrer comme si j’y étais chez moi, sans le moindre contrôle, à Bercy, citadelle des douanes et des impôts que j’ai détesté pour sa tristesse et sa froideur, pour ses insincères et ses intrigants. Comme apprentissage, ces compagnonnages voulus ou subis m’apprirent bien davantage sur les aléas du vivre ensemble que la vie en communauté, à laquelle ma mère, au Théâtre du Soleil, nous avait expérimentés, ma sœur et moi, l’été durant, à Avignon et à Arc-et-Senans. S’y ajoutaient pour parfaire ma formation, le week-end et les soirées, si d’aventure j’avais espéré un moment de libre, la confrontation avec ceux que l’on appelait la « bande des petits normaliens », speech-writers, gagmen, pourvoyeurs d’idées, de concepts et de bons mots, esprits vifs et rapides, Rastignac et Rubempré, jeunes gens pour les uns sympathiques, pour les autres aux ego surdimensionnés, qu’il fallait canaliser et former en attendant qu’ils se métamorphosent en excellences fluos prêtes à bondir sur l’Elysée, à sauter sur Matignon, ou bien que se dégonflent à temps leurs chevilles à défaut de leur cerveau.
Au Groupe Socialiste, dans les moments durs d’une opposition ramenée à moins de 60 députés, entre 1995 et 1997, c’est autant au chef d’état-major qu’au père de famille, tour à tour responsable RH, directeur de la rédaction de feuilles de chou et fanzines qui dézinguaient hebdomadairement le Gouvernement, que les assistants parlementaires, petit village de Gauche logé sous les toits du Palais-Bourbon, se confiaient et faisaient confiance. Cette époque où nous n’avions rien, où il fallait tout faire à l’énergie et à l’enthousiasme, avec des bouts de ficelle et des élastiques, est un de mes meilleurs souvenirs. Pour des raisons semblables, je conserve une tendresse particulière pour ces deux ans où, dans un parti ruiné par l’alternance, il fallait organiser bureaux politiques, conseils nationaux et congrès, renflouer et assainir les caisses, préparer une campagne présidentielle autour de Lionel Jospin avec une troupe de permanents au départ fourbus, découragés, indifférents, puis au fur et à mesure que nous remontions des abymes magnifiques, résolus, combattants, eux qui, pour beaucoup, à Solferino, avaient connu François Mitterrand.
A avoir aussi longtemps travaillé ainsi, souvent pour des élus, j’ai appris des méthodes, des réflexes et des recettes. Cela fait partie de moi. C’est ce que je verse au pot commun. C’est aussi ce que j’essaye de redonner aux autres. J’en ai tiré profit, intellectuel s’entend, dans ma vie professionnelle où j’exerce un métier dont on dit qu’il est divers ou polyvalent ce qui signifie avec élégance qu’il part dans tous les sens, que, jamais, un jour ne ressemble à l’autre ce qui est exaltant…, sauf quand c’est fatigant. Je m’en sers évidemment dans la vie municipale, pour mon mandat à la région, dans mes activités politiques. Je mesure plus encore, depuis que les électeurs de Val-de-Reuil m’ont installé de l’autre côté du bureau, combien il est précieux d’avoir autour de soi un groupe de gens solidaires, compétents, déterminés. Leurs missions ne sont pas souvent simples à expliquer, parfois même, discrétion oblige, non explicables, et dépassent généralement, par investissement et par estime réciproques, le cadre d’une simple fiche de poste. Raison de plus pour vous présenter quelques-uns de ceux avec qui, collaborateurs ou camarades, j’ai la chance de travailler.
Leurs missions ne sont pas souvent simples à expliquer, parfois même, discrétion oblige, non explicables, et dépassent généralement, par investissement et par estime réciproques, le cadre d’une simple fiche de poste. Raison de plus pour vous présenter quelques-uns de ceux avec qui, collaborateurs ou camarades, j’ai la chance de travailler.
Catherine Duvallet est professeur de français au collège Pierre Mendes France de Val-de-Reuil. Première adjointe en charge des affaires scolaires le jour durant, elle est une secrétaire de section dynamique sitôt ses cours finis. Grâce à son investissement, l’effectif de la section PS de Val-de-Reuil, en 2011, a dépassé les 130 adhérents, devenant ainsi, à en croire les derniers chiffres, la plus importante de l’Eure et pas la moins dévouée. Je songe à tout ce que font Christophe, les Philippe, Claude, Akim et Jean-Denis, sans oublier Carole et Ilham. Avec eux, avec les camarades des autres sections, petites ou grandes, urbaines comme rurales, avec les socialistes eurois qui m’ont élu à la tête de leur fédération au fauteuil (éjectable ?) d’Alfred Recours, de Michel Ranger et d’Yves Leonard, ensemble nous avons mené les campagnes de 2012. Pour François Hollande. Pour Michel, Jean Louis, Mélanie, François, Jérôme nos candidats aux législatives. Faire campagne lorsque l’on est premier secrétaire fédéral, c’est passer quatre, cinq, six mois non stop entre militants, à aller à tous les meetings, à faire toutes les réunions. Avec Christian Renouncourt, Thomas Toutain, Patrice Adam, Marc François, Martine Séguéla, Adrien Jolly, mais aussi Delphine Lepeltier, Elodie Desrues, Richard Jacquet, Gilles Launay, Jérôme Pasco, sans oublier Laurent Longet, Frédéric Delamare, Leslie Cléret, Laure Daël, Yves-Marie Rivemale ou François Charmot nous avons ainsi passé bien des week-ends… La famille des socialistes primait la famille de sang. Je n’oublie pas les amis de Louviers, Marie-Pierre, Marie-Claude, Thérèse, de Pont-de-L’Arche, de Gaillon, de Bourgtheroulde et de Thuit-Signol pour lesquels j’ai une pensée particulière. Encore moins les permanents de la fédération, Florence et Bruno, et Timour Veyri qui m’aide dans le travail pour l’animation fédérale et dont le talent est à la fois un atout pour le PS départemental, une chance pour les militants notamment à Evreux où il est secrétaire de section et un plaisir pour moi dans nos échanges au jour le jour.
Je travaille évidemment avec des élus, souvent des femmes comme Fadilla Benamara, Rachida Dordain, Nathalie Covacho-Bove, Noëlle Boudart dont l’aide, le soutien, le renfort me sont indispensables. Je m’appuie également sur des piliers : Bernard Beaufrère aux travaux, le doyen du conseil, Sylvain Lecornet le meilleur des grands argentiers, Jacques Lecerf l’âme des sports, Jean-Claude Bourbault que je connais depuis quarante ans et qui veille sur la culture, François Merle (eh oui un vert) à l’environnement et Bernard Cancalon qui ne perd pas contact avec un seul habitant. Avec notre vice-présidente du Conseil général Janick Léger, l’union fait la force. Tous les conseillers apportent quelque chose : Roland, Judith et Luc, Jean-Pierre et Yvette, Isabelle aux jumelages, Michèle au CCAS, Laïla qui aime l’urbanisme et les technologies 2.0, Elhoussaine, Patrick, Lisbeth et Marilyn, Aminata, Peggy, René le qatari, Christophe le fidèle, Eliane et Catherine de l’opposition.
Vers Alain Le Vern et Jean Louis Destans, les présidents de la Région et du Département, il n’est pas dur de faire passer des messages. Nous ne comptons plus les années où nous avons ramé au même banc. Je n’oublie pas François Loncle que j’ai appris à connaître depuis que je fis sa campagne auprès des députés pour qu’il obtienne la succession de Jack Lang à la présidence de la commission des affaires étrangères et dont j’ai collé bien des affiches. C’est Laurent Fabius qui est notre plus grand dénominateur commun. Laurent Bonaterre son directeur de cabinet est un ami.
Fabrice Barbe est depuis 2005 le Directeur général des services de la ville, dont il copilote le développement. C’est un homme qui a le goût des défis, surtout lorsqu’ils sont compliqués, et le sens de l’avenir, du long terme, de la modernité. Le renouvellement urbain n’a pour lui aucun secret. La transformation, en bien, de Val-de-Reuil lui doit beaucoup. De dix ans mon cadet, pensant et agissant autrement que je ne le fais, mais, comme moi, aimant la rapidité et le concret, nous sommes complémentaires. Patrick Huon est celui qui, à Val-de-Reuil, travaille avec moi depuis le plus longtemps. Notre collaboration a désormais plus de 10 ans. Amical, proche, loyal, humain, bienveillant, qualités rares, il m’a appris, en quelques semaines, à découvrir chaque recoin de la ville et à en connaître très vite les habitants, quartier par quartier. Son expérience dans les domaines sociaux est précieuse dans une ville comme celle dont je suis maire. Il en est le Directeur général adjoint des services.
Ils ont été rejoints par des hommes compétents venus d’Evreux comme Yannick Mesnil aux sports et de Mantes ainsi Pierre Antoine Aurières pour tout ce qui est technique avec Bruno, Erwan, Jean-Claude, Rodolphe. Autour d’eux beaucoup d’hommes et de femmes indispensables : pas un mariage célébré sans Marie-Edith Langlet, des finances réglées comme du papier à musique avec Marie-Claude Marien, des achats au juste prix grâce à Maryse Gefflot, la vie culturelle sans défaut avec Benoît Geneau, un urbanisme sans tâche avec Charly Roix (et Charlyne…), une tranquillité assurée avec Christian Avollé.
Jean-Baptiste Verrier travaille auprès de moi depuis beaucoup moins longtemps. Je l’ai connu grâce à mon ami Philippe Huon, aujourd’hui avocat, autrefois directeur de cabinet de Laurent Fabius, puis de Didier Marie, et Mélanie Boulanger qui, avec brio, occupa ce poste avant lui. Collaborateur direct du Maire, il doit tel Maître Jacques exercer tous les métiers. Il est un chef de gare, celui qui en mairie veille, au départ des bons trains, au bon moment, sur la bonne voie, tout en veillant à la mobilisation de l’équipage et à l’information des voyageurs. Il est aussi un chercheur d’or, qui à l’aide d’un tamis, récolte et transmet les pépites nécessaires au bon accomplissement de mon mandat. C’est enfin le maître des horloges pour déclencher les urgences et remettre en ordre les priorités. Ajoutons qu’il sait lire et écrire au sens de Georges Pompidou, qu’il est optimiste, travailleur et cultivé. Fermez le ban…
Malika Ouaret assure mon secrétariat avec tempérament. Elle est une pièce essentielle du dispositif puisqu’elle veille avec minutie sur mon agenda. Cela exige une grande discrétion, une forte disponibilité pour gérer les demandes des habitants et des partenaires, ainsi qu’un sens confirmé de l’organisation. Elle possède toutes ces qualités.
Au Conseil régional de Haute-Normandie, il y a les collègues indispensables Bénédicte Martin, Emmanuelle Jeandet-Mengoual, Anne Mansouret, Kader Chekemani, Guillaume Bachelay, Dominique Gambier, Nicolas Mayer-Rossignol, Sophie Molle, et nos amis/alliés communistes. J’apprécie le remarquable travail de toute la direction des finances avec qui je veille sur les budgets régionaux depuis 2004 et j’ai eu de la chance de travailler avec ceux qui en ont eu la responsabilité Dominique Bruyère et Pascal Maury sans parler du DGS Jean-Pascal Cogez et du directeur de cabinet Sylvain Radiguet.
Des amis plus loin de Val-de-Reuil n’hésitent jamais à me donner un coup de main: Franck Bondoux, Cyril Buffet, Florence Ribard, Stéphane Israël, Patrick Maisonneuve, David A., Philippe K., Laurence E., Serge Bergamelli, Jean-Yves Lazennec, Nicolas Catzaras.