11
NOV
2018
Discours de M. Marc-Antoine JAMET
Maire de Val-de-Reuil
à l’occasion du Centenaire de l’Armistice de 1918
Monument Mémoire-et-Paix à Val-de-Reuil/
Dimanche 11 novembre 2018Ã 11 heures
Chers amis européens, chers concitoyens rolivalois,
Cette cérémonie n’est pas banale. Elle n’est pas un anniversaire. C’est une commémoration. On y parle de guerre et, pourtant, elle fait l’apologie de la paix. On y exalte, à juste raison, le courage de ces jeunes corses ou bretons, qui eurent l’inconscience ou la force d’âme, à vingt ans, avec d’autres auvergnats, picards ou normands, de monter à l’assaut d’une colline ou d’une tranchée, pour défendre les beffrois et les clochers d’un pays dont il ne parlait pas toujours la langue. Mais on oublie parfois d’associer au même hommage les tirailleurs sénégalais, les goumiers marocains, les spahis algériens, les auxiliaires indochinois ou malgaches qui, dans le froid et la boue, depuis l’Atlas et les Aurès, Dakar et le Fouta-Djalon, vinrent défendre une métropole que, pour la plupart d’entre eux, ils n’avaient jamais vue.
Cette cérémonie est paradoxale. Elle fête la victoire de la France et de l’Angleterre, alliées aux États-Unis d’Amérique, mais elle réunit, fraternellement, avec les représentants de Ritterhude, unsere freundin Suzanne Geils, et de Workington, our friend Joan Wright, les délégations de trois des grands pays européens qui, vainqueurs ou vaincus, furent les protagonistes de ce conflit. Au cœur des deux batailles de la Marne et celle de la Somme, autour de Craonne et de Verdun, en Artois et en Flandres, sur le Chemin des Dames, au Morthomme ou à Douaumont, il y eut aussi des londoniens, des écossais et des gallois, des australiens, des canadiens et des indiens et, face à eux, des Prussiens, des Rhénans, des Bavarois. C’est le même sang qui battait dans leurs veines. C’est le même sang qui fut versé. Nous le savons aujourd’hui.
Cette cérémonie est à la fois anachronique et actuelle. Elle rappelle la puissance des empires européens qui, en rose ou en bleu, sur les cartes Vidal de La Blache, s’étalaient sur les cinq continents, mais elle marque aussi le début de leur fin, quarante ans avant l’ère des indépendances. Elle mit aux prises 70 nations, mais certaines, la Pologne dont Letchek Tabor le Maire nouvellement réélu (il faut toujours réélire un bon maire) nous adresse un message, ou l’Irlande n’existaient pas juridiquement et d’autres, brièvement apparues, la Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie, ont disparus comme État. Le monde est fragile. Au lieu de s’unir, il se fragmente, il se scissionne, il se divise, il se déchire en Ukraine, en Irak, en Syrie, au Mali et, après tout, en Catalogne aussi, parfois plus près encore…
Cette cérémonie n’est pas anodine. Si, dans une vie, il fallait n’en suivre qu’une, c’est à celle-ci qu’il aurait fallu assister, le 11 novembre 2018, car elle marque un siècle d’histoire. Elle est le regard du XXIème siècle, ses craintes et ses découvertes, sur le XXème, ses progrès et ses folies. Elle fait ressurgir l’image de nos grands-parents, pour les plus âgés d’entre nous, de nos arrière-grands-parents, pour les plus jeunes. Chacun de nous, en Allemagne, gnädige Suzanne, en Angleterre, dear Joan, en France, chers amis, avons connu ou entendu parler d’un homme, jeune, qui, un matin d’août 1914, la fleur au fusil, pensant que la mobilisation n’était pas la guerre ou que, si elle l’était, elle serait « fraîche et joyeuse », a quitté ses champs ou son usine, son atelier ou son troupeau. Constant dont je porte le prénom, né en 1897, avait été mobilisé, envoyé sur le front et aussitôt retiré car, caissier à la Banque de France, on lui demanda de veiller à Pau sur nos lingots. Claude, mon autre grand-père dont je porte aussi le prénom, avait quatre ans en août 14 et connaîtra ensuite, avant d’autres errements, la ligne Maginot, la débâcle et l’offlag, mais son père, Ernest, était officier de liaison auprès de l’armée anglaise. Il participa, en première ligne, aux offensives des Tommies, et fût décoré par ses supérieurs britanniques, amateurs du flegme qui porte leur nom, pour avoir continué de se raser sous les balles d’une attaque aérienne ennemie. Vers la fin de sa vie, l’intéressé confessait ne plus être vraiment certain d’avoir entendu l’avion arriver. Nous les avons connus très âgés ces Théodore et ces Victor, ces Otto et ces Karl, ces Bill et ces Bob. Ils n’avaient pas toujours l’air de héros et pourtant ils en avaient été.
Ni notre Ville, ni ce monument n’existaient quand cette cérémonie fût instituée, mais, depuis le décès de Lazare Ponticelli, il n’est plus aujourd’hui une seule commune de France où l’on puisse entourer d’affection les veuves ou partager l’effroi des survivants de ces quatre années et demi d’épouvantables tueries. Nous sommes désormais à égalité devant cette tragédie. Val-de-Reuil est peut-être trop jeune pour avoir une Histoire, mais ses habitants en ont assez vécu pour avoir une mémoire.
Il y aura cent ans aujourd’hui même, à la onzième heure du onzième jour du onzième mois de 1918, les clairons de l’armistice sonnaient le cessez-le-feu sur toute la ligne de front occidentale laissant les combats se poursuivre et le sang se verser en Orient et au centre de l’Europe sur les ruines des empires austro-hongrois et ottoman. Des démocraties triomphaient et des monarchies abdiquaient à Berlin, à Vienne, à Istanbul. Un jour nouveau se levait sur la France, sur l’Europe et sur le monde.
Un jour nouveau, mais un jour triste, un jour sanglant, un jour d’hécatombe. Derrière l’ivresse de la victoire, des pays vacillants se relevaient comme des boxeurs sonnés. Une immense cicatrice traversait notre pays de part en part. De la mer du Nord à la frontière suisse, un gigantesque réseau de tranchées, de boyaux, de postes d’observation, de barbelés, de cratères de bombes, de décombres encore fumants, de fosses communes et de désolation, courait sur notre sol dévasté.
Après plus de quatre ans d’un conflit qui, né à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, de l’assassinat d’un archiduc autrichien par un étudiant serbe, s’était peu à peu étendu à la quasi-totalité de la planète pour devenir la première guerre mondiale, les canons, les fusils et les mitrailleuses se taisaient enfin. La guerre était finie et, comme sortant d’un interminable cauchemar, dans l’ivresse de la paix retrouvée, les peuples en liesse se juraient les uns aux autres qu’on ne les y prendrait plus, que c’était bien la dernière, la « der des ders », comme chacun le disait dans sa langue et l’espérait dans son cœur. En Français, en Allemand, en Anglais, en Turc, en Polonais.
La guerre, nous savons tous ce que c’est. Ou nous croyons le savoir. Les livres d’histoire, les films documentaires et les films de fiction, les quelques images, les quelques sons qui nous en parviennent sur nos écrans de télévision et par les réseaux sociaux, pire les jeux électroniques enfin, nous en font quotidiennement le récit et nous en proposent une vision, édulcorée et filtrée par d’innombrables censures, dont nous nous accommodons d’autant plus facilement que, Dieu merci, depuis maintenant plus de sept décennies, nous, nous les Français, nous les Européens, n’en avons plus ni subi l’horreur qui est celle de la mort, ni connu la terreur qui est celle des armes, ni senti l’odeur qui est celle du sang. Non, la guerre n’est pas un jeu vidéo. Nos soldats qui se battent pour nous au Sahel ou au Levant savent ce que la guerre, parce qu’elle peut conduire au sacrifice suprême, a de terrible. Nous leur devons le plus absolu des respects.
Ce que nos arrière-grands-parents, puis nos grands-parents, vingt ans plus tard, ont vécu, ce qu’ils ont traversé, ce à quoi ils ont survécu et dont, le plus souvent, ils ne voulaient ni ne savaient parler à leurs enfants, nous n’en avons qu’une bien faible idée. Il est des expériences et des souffrances incommunicables. Jamais dans l’histoire des peuples, l’humanité n’avait consenti un si lourd tribut à la folie humaine. Vingt millions de victimes entre 1914 et 1918, cinquante millions entre 1939 et 1945, tel est le montant de la rançon qu’a exigée et obtenue des hommes ce dieu du carnage, Moloch impitoyable auquel ils ont sacrifié par deux fois leur bonheur et leur raison.
Blasés par l’habitude, soit ignorants, soit indifférents à notre histoire, nous passons chaque jour devant ces monuments commémoratifs que le remords et la piété ont multipliés au centre de nos villes, au cœur de chacun de nos villages et nous jetons un regard indifférent sur ces interminables listes de noms gravés dans la pierre ou le marbre et qu’efface peu à peu le temps. Relisez-les comme je le fais toujours. Ce sont parfois dans nos campagnes des familles entières qui ont été anéanties. Ayons une pensée, en ce jour du centenaire, pour cet effroyable cortège de jeunes hommes, frères, cousins, voisins, que la mort a fauchés au printemps de leur existence. Prenons conscience de ce que notre vieux pays a souffert dans sa chair et dans son âme, de cette hécatombe dont il ne s’est peut-être jamais remis. Un million et demi de morts, quatre millions de blessés sur dix millions de mobilisés. La guerre avait marqué de son signe fatal une maison, une famille, un foyer sur deux. A Liverpool, à Brême, à Rouen ou à Evreux, elle laissait des gueules cassées et des grands blessés, des orphelins, des veuves et des femmes seules qui, par millions, avaient fait tourner l’économie, soutenu l’effort de guerre, travaillé dans les usines d’armement, moissonné les champs, soigné les blessés. Oubliant qu’on ne peut se réconcilier qu’avec son ennemi, à Versailles, elle avait multiplié pour les vainqueurs, les frustrations, pour les vaincus, les humiliations, pour la société des Nations, les désillusions.
Sont-ils morts pour rien, comme on l’a trop souvent dit ? Étrange manière de les honorer que de cracher sur leurs tombes si prématurément ouvertes ! Ces civils que la guerre avait revêtus d’uniformes, entre les mains de qui elle avait mis des armes, qu’elle avait enrôlés sous ses drapeaux, dont elle avait fait sinon des militaires, en tout cas des combattants, aimaient la vie comme nous, auraient pu se marier, fonder une famille, vieillir, mais ils ont accepté de mourir. Par discipline ou par idéal. Pour la patrie, pour la terre natale, pour des valeurs qu’ils voyaient en danger, dans l’espoir d’un monde meilleur et plus juste. C’est bien parce qu’ils sont morts avec Guillaume Apollinaire et Rolland Garros, avec Charles Péguy et Louis Pergaud, avec Jean Bouin et Alain-Fournier, que nous sommes là , c’est à leur mort que nous devons notre liberté d’un côté et de l’autre du Rhin, de part et d’autre de la Manche.
Les clairons de l’armistice n’annonçaient pas la paix, comme nos aïeux ont voulu le croire. Ils ne sonnaient que pour une trêve. Au moins, après deux guerres mondiales, le spectre semble pour toujours écarté des guerres civiles, des guerres intestines, des guerres suicidaires que se livraient les peuples européens, ennemis héréditaires, Français contre Anglais, Français contre Allemands. L’esprit de revanche, le nationalisme westphalien et l’hégémonisme colonial ont disparu. Ne nous faisons pour autant pas trop d’illusions : la guerre n’est pas finie. Nous la menons sous des formes différentes et qu’il nous faut gagner sous peine d’être balayés par l’histoire, contre l’injustice et la misère, pour la justice sociale et l’égalité des chances, contre le fanatisme et l’intolérance, pour la laïcité et la liberté, contre la haine et la violence, pour la fraternité et la solidarité, contre le populisme et le terrorisme, donc contre la guerre et pour la paix universelle. Demain nos enfants feront face aux conséquences du réchauffement de la planète, de la poussée démographique en Afrique et en Asie, de l’envahissement numérique et du recul de l’éthique, de la relégation des banlieues et du mépris des élites, du manque d’eau, de la transformation du travail et du vieillissement des populations européennes. Il y aura deux manière de répondre à ces défis : le rassemblement des intelligences, des talents et des énergies comme nous tentons de le faire ici à Val-de-Reuil, à Ritterhude, à Workington, à Stzum, à Danthiady. Ou bien la rivalité, la compétition, le chacun pour soi et, comme ceux que l’on a appelé les somnambules parce que, à Paris, Londres et Berlin, ils ont provoqué la guerre croyant jusqu’au dernier moment qu’ils n’auraient pas à la faire, l’humanité connaîtra des déconvenues et des drames bien plus graves que ceux dont nous voyons aujourd’hui les prémices se mettre en place. Plus que jamais soyons vigilants. C’est le sens de cette cérémonie.
Vive Ritterhude, Vive Workington, Vive Val-de-Reuil.
Vive la République et Vive la France
4
OCT
2018
Je suis encore trop jeune pour être un sage. Je ne peux donc ouvrir ce colloque, ici au théâtre de l’Arsenal, sans saluer les anciens auquel le respect est dû. Par leur expérience et leur travail, ils ont permis la dynamique de ces journées qu’organisent la communauté d’agglomération Serine-Eure et son président, Bernard Leroy, qui est un peu le chef de la CASE.
D’abord, mon collègue Hubert Zoutu, indissociable de Thérèse son épouse, qui, comme Léopold Sédar Senghor en son temps, est devenu un pont solide et généreux entre notre Normandie et l’Afrique plurimillénaire, grand continent qui a engendré les autres et où l’humanité est née. Je rends hommage à l’acharnement et au dévouement qui ont été les siens pour lancer politiquement, intellectuellement, matériellement ces assises.
Je veux également souhaiter la bienvenue dans notre Ville à un ami, Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des Economistes, qui, ayant le sens du partage et le talent de l’intelligence, partage précisément son intelligence de Aix à Val-de-Reuil, en passant par Singapour pour susciter, de cercles en rencontres, discussions et idées.
Je veux, enfin, dire l’honneur qu’ils font par leur présence dans la plus jeune commune de France à nos illustres invités qui, au sud du Sahara, dans leurs différents pays, ont occupé les fonctions les plus élevées, et aux intervenants français qui ont pris sur leur agenda pour éclairer nos débats, au premier rang desquels, évidemment, ma collègue du conseil régional, Clothilde Eudier, vice-présidente en charge de l’agriculture en général et, plus particulièrement, de rappeler à Hervé Morin qu’il n’y a pas que le cheval dans la vie. C’est dire qu’elle a fort à faire.
Je suis trop jeune, ai-je dit, mais déjà assez vieux pour être assis sous l’arbre où, dans la cité contemporaine dont je suis le maire, le conseil du village se réunit. Alors permettez-moi quelques réflexions générales pour nourrir ce mot d’accueil et l’extirper de son carcan protocolaire.
Première remarque : il serait très artificiel et très européen de prétendre que l’Afrique est une. Tout comme l’Allemagne, l’Italie, la Hongrie, l’Italie, même si elles appartiennent – pour combien de temps encore – à la même union politique et économique, ne sont pas la France, il y a, en fait, de l’océan indien au golfe de Guinée, du Cap à Alger, plusieurs « Afriques » immenses, variées, diverses, par l’économie, l’alphabétisation, les recettes budgétaires, le climat, la pyramide des âges, les ressources, le peuplement. L’Afrique est le continent pluriel par excellence. Alors gardons-nous de toute généralisation.
On entend, en effet, beaucoup de jugements globaux sur l’Afrique. Ils en proposent souvent une vision catastrophiste. Sans doute faudrait-il que ces commentateurs se modèrent, ne serait-ce que parce que beaucoup d’entre eux n’ont jamais traversé le détroit de Gibraltar, bu un verre de bissap ou une tasse de quinquéliba, jamais senti l’air parfumé qui s’engouffre dans l’avion quand la porte de la carlingue s’ouvre à N’Djamena, Yaoundé ou Djibouti, jamais vu les choucas tourner en cercles infinis au-dessus des ports de Libreville, Dakar ou Abidjan. Certes, l’Afrique continue de souffrir de maux préoccupants : pauvreté et inégalités, menaces terroristes et conflits ethniques, régimes discutables et infrastructures insuffisantes… Certes la conjoncture macroéconomique y est depuis quelques mois plus aléatoire en raison du cours erratique des minerais ou de la remontée des niveaux d’endettement des Gouvernements. Mais il est d’autres manières – plus positives – de décrire un continent, riche de ses matières premières et de ses capacités humaines, un continent qui représentera la jeunesse de la terre avec 25% de la population mondiale en 2050 et qui vit, en même temps, des dizaines de transitions numériques, démographiques, écologiques, économiques.
D’un point de vue géopolitique, il ne faut pas confondre les territoires en crise ou en tension qui existent, qui connaissent insécurité ou épidémies – on sait combien le Mali est la victime de Daech, de même qu’on se souvient des ravages qu’a fait, encore récemment, le virus d’Ebola – et des régions entières où cela va mieux, où cela va bien.
D’un point de vue économique et démographique, il faut se méfier des agrégats statistiques. Bien sûr on peut rappeler que deux Africains sur trois n’ont pas accès à l’électricité, mais c’est en train de changer. Mais l’Afrique est en mouvement. Mais 500 millions d’Africains sont connectés par leur portable. Mais le potentiel est considérable. Mais sa croissance progresse à un rythme impressionnant. Mais elle est portée par une classe moyenne en pleine expansion. Tout ce à quoi croit Jean-Louis Borloo sous le nom duquel nos discussions se sont abritées et qui, comme je lui rappelais encore cet été, quand nous nous sommes vus, a beaucoup fait pour Val-de-Reuil.
D’un point de vue démocratique, certes on peut déplorer les soubresauts dictatoriaux qui se produisent régulièrement, mais il y a des alternances comme en Gambie, au Bénin, au Ghana, au Sénégal, des évolutions comme celle incarnée par Georges Weah au Libéria non plus comme footballeur du PSG, mais président à Monrovia.
Mais s’il ne faut pas pas verser dans l’afro-optimisme béat des années 70, car, étant de principe, il était naïf, il ne faut pas non plus sombrer dans un afro pessimisme, exagéré et désespérant, qui serait anachronique au XXIème siècle.
Dans ces conditions, quelle est la méthode pour parler de l’Afrique ? Acceptez du secrétaire général de LVMH qu’il se hasarde à considérer que les Afriques méritent de la haute couture et du sur mesure. Il faut réfléchir, quand on l’évoque, à une approche par zone, par pays, par projet. C’est ce que vous ferez aujourd’hui et demain.
Deuxième remarque : nous avons raison de consacrer notre temps et notre réflexion à l’Afrique, car elle prend une importance de plus en plus grande sur la scène internationale. Le continent africain est le cÅ“ur d’enjeux stratégiques essentiels. Il est devenu un acteur à part entière des échanges mondiaux. C’est pourquoi il est activement courtisé par les puissances montantes comme par les États qui l’ont autrefois découpée en empires.
D’ailleurs, si l’Afrique n’en valait pas la peine, tous les pays du monde n’aurait pas aujourd’hui une politique africaine. Or, on voit les dirigeants de l’Inde et du Maroc l’Arabie Saoudite ou du Qatar, du Brésil, de la Turquie ou des USA, se passionner pour sa modernisation, y séjourner, s’en préoccuper. Ce n’est pas toujours par simple bienveillance. S’appuyant sur la diplomatie de l’autoroute, du stade ou de la voie ferrée, la Chine y désormais a un commerce deux fois important que le nôtre. Pas vraiment par philanthropie.
Il faut dire que nous avons compris trop tardivement qu’il nous fallait être symétrique et pas unilatéral, qu’il ne fallait plus prendre en Afrique, mais y entreprendre. Pour parler clair, la France, qui l’a annoncé tant de fois, doit mettre fin au système inefficace et dépassé de la France-Afrique. Mais, comme l’a dit le Président de la République Emmanuel Macron, parfois maladroitement, à Ouagadougou ou, plus récemment, à la conférence des ambassadeurs en aout dernier, elle ne doit pas renoncer à l’amitié avec les pays africains. Continuons, comme nous le faisons à notre échelle ce matin, à entretenir une relation intellectuelle et culturelle singulière, avec cette partie de l’Afrique multiple avec laquelle nous avons le plus en commun : la proximité géographique, l’héritage historique, le métissage des cultures et des peuples, la langue souvent, des liens personnels étroits. Faut-il rappeler, ici où toutes les nationalités du continent sont largement représentées que 10% des Français ont des origines africaines, que 300 000 ressortissants français vivent sur le sol africain et que 75 % des francophones seront Africains en 2050 ? Dans ma commune, tous les pays d’Afrique sont représentés. Vous n’aurez pas l’équivalent de Val-de-Reuil à Pékin…
Troisième remarque : si on consacre à l’Afrique, comme nous ce matin, mieux qu’un regard extérieur, vague et lointain, on s’apercevra que le continent africain n’est plus uniquement le terrain de jeu des puissances anciennes, mais qu’il est le berceau de puissances jeunes et nouvelles : le Nigéria avec 27% du PIB de la zone et 94 milliards de $ d’investissements extérieurs, l’Afrique du Sud avec 20% du PIB de la zone et 136 milliards de $ d’investissements extérieurs, deux pays qui se caractérisent en outre par des forces et un effort militaires importants, l’Éthiopie avec 10% de croissance, le Zimbabwe avec 7,5% de croissance, d’autres États souverains encore qui naissent ou renaissent comme le Maroc. On n’est pas observateur, mais acteur de son propre destin. L’Afrique le sait.
Pour coller plus étroitement à notre sujet, dans un contexte prometteur, mais instable, il est déterminant que l’Afrique parvienne à couvrir ses besoins de proximité en développant massivement son agriculture vivrière, qu’elle enclenche une véritable révolution verte face aux dérèglements climatiques, qu’elle relève le défi agro-alimentaire par une meilleure utilisation des terres arables, par la restauration des sols, par un recours accru à l’irrigation et une bonne gestion de l’eau, par une mécanisation adaptée, par l’emploi de semences améliorées, par le développement de filières prometteuses (coton, oléagineux, cacao, horticulture, pêche…), par l’innovation et les nouvelles technologies. Vous êtes de ces sujets de meilleurs experts que moi.
Vous constaterez au fil des tables rondes que l’Afrique, par elle-même, a déjà accompli de grands progrès en matière de nutrition et de sécurité alimentaire. Mais le développement du secteur agricole nécessite d’importants capitaux. Même s’ils sont encore insuffisants, des financements sont disponibles, notamment à travers l’aide publique et l’épargne d’une vaste diaspora qui se mobilise en faveur de projets concrets. Les entreprises françaises et la coopération décentralisée, avec mon ami Rémy Rioux qui, à la tête de notre agence de développement, le plus utile et le plus beau job au monde, fait un remarquable travail, peuvent certainement apporter, en ce domaine, une collaboration recherchée. Mais il faut bien comprendre que l’Afrique a désormais davantage besoin de partenariats équilibrés et équitables que de bonnes paroles et de conseils.
Dernière remarque : dans notre colloque très pacifique, il faut marteler que, de part et d’autre de la Mer Méditerranée, il n’y aura pas de développement sans sécurité ni de sécurité sans développement. L’essor économique de l’Afrique est donc une priorité absolue pour le monde. Il exige de déraciner les ferments terroristes, de stabiliser les États et de redonner l’espoir à la jeunesse.
Pour y parvenir, il faut avoir – ensemble – une priorité et une constante : la lutte contre le djihadisme. L’expansion du fanatisme islamiste précarise la situation sécuritaire en Afrique, en particulier dans la vaste zone sahélo-saharienne. Des groupes armés s’y sont réfugiés dans des zones désertiques Depuis 20 ans, l’extrémisme religieux violent s’est progressivement répandu en Somalie, au Soudan, au Mali, au Nigéria, au Kenya, en Tunisie, en Libye. Cet islamisme radical prospère dans des régions pauvres et reculées où sévissent le marasme économique, la désespérance sociale, la pression démographique, des tensions interreligieuses ou interethniques. Il embrigade des jeunes déshérités, frustrés et privés de perspectives professionnelles, sociales, éducatives. Il tire profit de tous les trafics (drogue, cigarettes, armes, migrants, otages…) qui prospèrent dans ces territoires sur lesquels le contrôle étatique ne s’exerce que de manière faible. En dénonçant le problème, je dis les solutions.
Ce défi majeur que l’Afrique affronte, concerne aussi directement nos États européens, car les répercussions de cette crise se font sentir chaque jour en Europe. Les arrivées massives de migrants sur les côtes italiennes et espagnoles, après une traversée souvent périlleuse et meurtrière, n’ont parfois pas d’autres raisons.
Heureusement, en matière de sécurité, il faut se féliciter de la montée en puissance et de la crédibilisation des capacités défensives africaines, tant sur le plan national qu’au niveau régional. Sur ce plan, le G5 Sahel revêt un caractère exemplaire avec un état-major qui rassemble un général nigérian, un officier supérieur tchadien et un commandant camerounais. L’Afrique prend, sur ce plan aussi, de plus en plus son destin en mains. L’organisation annuelle du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique depuis 2014 en est la preuve. Dans ce combat nous sommes alliés.
Alors, pour conclure, quelle méthode notre colloque doit-il prôner pour que l’Afrique et l’Europe relèvent les défis d’intégration, d’urbanisation, de biodiversité, d’éducation, de financement, d’innovation auxquelles elles font face ? Le partenariat, je l’ai dit.  C’est Hubert Védrine qui, en préparant cette intervention avec moi, me l’a affirmé. À condition qu’il repose sur le co-développement et non sur l’hégémonie, sur la confiance mutuelle et non sur la défiance généralisée, sur la responsabilité partagée et non l’arrogance imposée. L’avenir appelle à la cogestion intelligente des flux, des crises, des projets. Ensemble, par le dialogue et la compréhension, nous pouvons faire des choses extraordinaires pour nous et pour la planète. Il est un proverbe africain qui dit cela mieux que moi : « Si tu veux aller vite, marche seul, mais si tu veux aller loin, marchons ensemble ».
23
SEPT
2018
Prononcé à l’occasion d’un mariage.
Samedi 22 septembre 2018 Ã midi – Mairie de Val-de-Reuil
Madame, Monsieur, chers concitoyens, chers amis,
Je suis heureux de vous accueillir ici, dans la modeste mairie de la plus jeune commune de France : Val-de-Reuil, notre Ville, la Ville où vous habitez. Parce que cette maison est celle de tous les Rolivalois, sans exception, sans différenciation, sans discrimination, elle est, aujourd’hui, d’abord la vôtre. A la faveur de votre mariage, elle s’ouvre à vos familles, à vos amis pour un moment de joie, pour une fête dont, vous comme eux, vous vous souviendrez toute la vie. Je vous autorise d’ailleurs, comme vous êtes à mon agenda le seul mariage inscrit, à rester ici jusqu’à minuit si vous le cÅ“ur vous en dit. Mais je crois savoir qu’une fête s’organise non loin d’Elbeuf et cela soulage les agents municipaux qui s’inquiétaient, pour l’allongement de leurs horaires de travail, qui plus est un samedi, de la générosité soudaine et inconsidérée de ma proposition…
Ainsi qu’il est normal, j’ai pris connaissance attentivement de votre dossier. Nous nous sommes, Madame, hier longuement rencontrés. Ce que j’ai lu, ce que j’ai entendu, m’a appris que vous travaillez tous les deux pour une entreprise bien connue de notre Ville, le bailleur social IBS, l’un comme gardien, l’autre comme agent d’accueil. Pourtant, plutôt que de vous loger dans un des nombreux immeubles de votre employeur, vous avez préféré habiter, Madame, place du climat, chez votre mère que je connais et salue, dans un projet de la Mairie, l’éco-quartier des Noés construit par la Siloge et qui a remporté des dizaines de récompenses environnementales. Nous avons tous nos petites contradictions, nos paradoxes cachés. Il en est de pire que de ne pas donner un loyer supplémentaire à son patron. Je vois plutôt dans cette adresse une manière de rappeler que, pour les générations qui viennent, pour les enfants que vous allez avoir, le problème le plus important ne sera pas telle ou telle question philosophique ou esthétique, voire vestimentaire, mais l’avenir écologique de la planète. Ce qui relativise bien des débats…
Vous êtes tous les deux jeunes , 29 et 24 ans, et sympathiques. Cela fait plaisir de vous voir vous engager ainsi à une époque où les mariages se font moins nombreux. Mais je vois une difficulté poindre : un seul d’entre vous est Normand. Il s’agit de vous Monsieur qui êtes né au bord de la Seine, à Rouen, tandis que vous êtes Madame une lointaine ressortissante de la région voisine, née à Melun Vous m’avez avoué hier que vous ne connaissiez notre Ville que depuis 6 ans. Il va donc falloir que nous adoptions une francilienne et que vous fassiez l’effort de faciliter, Monsieur, son intégration au pays de Flaubert et Maupassant… Il n’est pas sans intérêt de connaître, et pourquoi pas d’adopter, les usages de ceux dont on va partager le quotidien. Cela aide à l’amitié. Je l’ai testé puisque, discrètement, je peux vous le confier, pas une goutte de mon sang n’est eurois.
Je souhaite votre assimilation à la côte de veau vallée d’Auge et au Camembert, au « Peut-être bien que oui, peut-être bien que non » qui nous a rendus mondialement célèbres, au bocage et à la Manche, car, au moment où il célèbre un mariage, un maire craint toujours que les nouveaux époux déménagent vers un autre domicile. Je ne peux que vous inviter, tous les deux, à aimer notre commune, à y rester et à vous y enraciner. Nous n’avons même pas besoin de vous dire que vous y êtes les très bienvenus puisque vous êtes ici chez vous.
Ce n’est pas l’heure de faire de la publicité pour Val-de-Reuil, mais puisque je vois autour de nous, parmi vos témoins, des ambassadeurs de Saint-Etienne-du-Rouvray, représentée par un plombier, profession dont il est toujours utile de s’attacher un représentant, de Cléon, qui nous a délégué un coiffeur, métier peut-être moins stratégique, mais ô combien utile un jour comme celui-ci, et de Compiègne, en la personne de la sœur aînée de la mariée, je voudrais rappeler que peu d’endroits en France méritent autant le nom de commune que Val-de-Reuil. On devrait plus souvent se souvenir que ce mot signifie qu’un territoire et une population ont décidé de mettre en commun leurs espoirs et leurs moyens pour être collectivement plus forts que le vivre-ensemble a pour objectif le vivre mieux. C’est ce que nous faisons dans nos rues, dans nos écoles et dans nos associations au nom de la tolérance et de la bienveillance que nous devons à tous les habitants. C’est un équilibre fragile et on voit, si fréquemment hélas, que le populisme, le racisme, l’extrémisme, bref la bêtise, progressent dans notre pays qu’il nous faut agir, à chaque fois que nous le pouvons, avec intelligence et responsabilité pour le faire reculer. Le voile est une telle aubaine pour le Front National. Je vous l’avais indiqué. Sans succès. Force restera à la Loi que j’appliquerai.
Vous êtes deux jeunes citoyens français, je l’ai dit, libres et égaux en droits, mais vous avez un parcours et vous y êtes fidèles. Permettez-moi de saluer, outre vos parents, dans cette pièce avec nous, ceux qui, en ce moment, pensent à vous à Aït Yahia, à Inezgan et à Argana, dans les provinces de Meknès, Taroudant et Agadir, dans ce superbe Maroc qui, coïncidence en votre honneur, pour vous rendre hommage, a dressé un village au pied de la Mairie.
Enfin, laissez-moi vous dire, comme un signe qui vous portera chance, que je reviens, pour mon travail, du plus grand monument dédié à l’amour, le Taj Mahal, qui est aussi un chef d’œuvre de l’architecture musulmane dans un pays, bientôt le plus grand du monde par sa population, une grande puissance dont certains habitants vivent dans une grande pauvreté, où il peut arriver que les gens s’affrontent, hélas, au nom des croyances ou des religions.
Le respect que je vous dois m’amène maintenant à vous rappeler la signification du mariage républicain et à vous dire ce que je dis à tous ceux que je marie chaque samedi.
Ce mariage doit être exactement le même pour tous. C’est, si vous me passez l’expression, le mariage de « tout le monde ». J’agirais de manière strictement identique si je voyais d’autres fiancés devant moi. Je prononcerai les mêmes paroles. Je ferai les mêmes gestes. Vous imaginez ce que donneraient des cérémonies à la carte où, selon le bon vouloir du Maire ou des impétrants, suivant que l’on s’adresse à des chrétiens, à des juifs, à des musulmans, à des non-croyants, on utiliserait certains mots et pas d’autres, où on procéderait de telle façon ou bien de telle autre. Quel désordre ! Quelle honte ! Ce serait très injuste, pas vraiment harmonieux, certainement indigne. Cela créerait des inégalités entre les couples. Les cérémonies n’auraient pas la même valeur, pas la même durée. L’institution du mariage en serait fragilisé. C’est pour cela qu’il est bon de suivre un certain nombre de rites et de coutumes, de les partager, de les transmettre notamment aux plus jeunes puisque je vois que de nombreux enfants nous entourent. C’est notre patrimoine. C’est notre culture. C’est notre héritage. Je m’y emploie avec cette lourde pédagogie qui vous fait sourire et à laquelle, peu à peu, vous prêtez attention.
Mais c’est également un mariage unique parce que ne sont ici que ceux qui vous aiment et vous ont vu grandir. Ils vous regardent et vous entourent de leur affection. C’est pourquoi, voudrait-on faire la même cérémonie, y compris dans quelques minutes, sans quelques secondes qu’on n’y arriverait pas, car vos proches, vos parents ne sont là que pour vous, car cet instant n’existe que par vous. En ce sens, il est unique. Et parce qu’il est unique, il est magique…
C’est aussi une cérémonie publique et évidemment non politique. Je vois au fond de cette salle des mariages quelques émissaires parisiens d’associations compliquées. Ils seraient bien mal inspirés de parler d’islamophobie dans cette ville aux trois mosquées où on se moque de savoir si son voisin appeler Ali ou Alain. Il n’en est pas tant d’aussi sincères dans l’hexagone. Vous pouvez remiser vos portables, cesser de filmer, arrêter d’enregistrer. Vous n’en respecterez que davantage les mariés. Il n’y aura à Val-de-Reuil, au moins tant que j’en serai le premier magistrat, ni humiliation, ni provocation.
Revenons à la signification de notre rassemblement. Il constate le moment où des sentiments privés, qui ne regardent que les deux « promis », se transforment en engagements publics. C’est pourquoi le mariage n’est pas le PACS, étroitement juridique, et qu’il a une dimension morale qui nous dépasse. C’est pourquoi la porte est ouverte et que chacun peut assister à cette cérémonie. C’est pourquoi vous avez choisi des témoins pour attester que vous avez échangé, non pas simplement des alliances, mais vos existences. C’est pourquoi Marianne, cette femme aux cheveux tombant sur les épaules, qui est le symbole de la république française, veille sur nous. C’est pourquoi je ne pourrais pas vous unir si le portrait du Président de la République n’était pas dans la pièce. C’est pourquoi il faut que notre drapeau, celui de la République française, une et indivisible, c’est à dire qui ne reconnait aucune communauté, aucun clan, laïque et sociale, c’est à dire neutre et solidaire, soit visible. C’est pourquoi sur tous les documents, que je vous remettrai dans quelques minutes, sera inscrite notre belle devise, liberté, égalité, notamment entre les femmes et les hommes, fraternité. Ce sont nos valeurs. Elles ne sont pas contestables.
Enfin, cette cérémonie est la marque d’une volonté, la vôtre qu’il faut saluer et admirer. Elle est synonyme de confiance et de fidélité, de solidité et de durée pour une vie qui va vous conduire, dans les bons moments (ils seront très nombreux) et les mauvais (qui ne se produiront pas), très longtemps ensemble. Vous vieillirez. Vous évoluerez. Vous changerez. Comme tous les êtres humains. Mais vous aurez été unis.
29
JUIN
2018
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COSMETIC VALLEY EN POLE POSITIONÂ :
DIX OBJECTIFS POUR ENVISAGER L’AVENIR INDUSTRIEL DE LA FRANCE
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Alors que le Premier ministre Édouard Philippe vient d’annoncer le lancement de l’appel à candidatures, dit « de phase IV », à l’issue duquel seront sélectionnés les grands pôles de compétitivité de l’avenir, COSMETIC VALLEY et son Président Marc-Antoine JAMET ont souhaité prendre les devants. À la faveur de leur Assemblée Générale, organisée ce 28 juin en Normandie, au Théâtre de l’Arsenal de Val-de-Reuil, dans l’Eure, et, devant 200 chefs d’entreprise, représentants des universités, laboratoires de recherche, établissements de formation et partenaires, ils ont défini les dix objectifs qui permettront au pôle de franchir collectivement une nouvelle étape. La parfumerie-Cosmétique française n’est pas le nucléaire, ni l’aéronautique, mais, sur un marché de 430 milliards d’Euros et face à 6 milliards de consommateurs, elle rappelle son rôle essentiel dans la constitution du second excédent commercial du pays et l’animation de 200.000 emplois.
1.Garder une place de leader mondial : la France n’est pas le plus vaste marché au monde, ni l’acteur le plus compétitif de l’économie de la parfumerie-cosmétique, mais elle doit continuer de faire la course en tête dans son secteur grâce aux quatre piliers (innovation performante, protection de l’environnement, authenticité des matières premières, sécurité du consommateur) d’un Made in France qu’elle a su constituer et d’une culture de l’excellence, mais aussi de la tradition, dont elle sait jouer. La Cosmetic Valley, en veillant à la qualité de ses partenaires internationaux, comme le Japanese Cosmetic Center de Karatsu, en ne se dispersant pas dans des structures parallèles, doit prolonger cette stratégie victorieuse.
2.Agir au niveau européen : si le pôle a déjà su rassembler dans des structures d’inter-clustering ses partenaires de l’Union, il doit ne pas se disperser et désormais dialoguer directement avec Bruxelles pour définir à l’échelon continental des axes et des financements de recherche. A l’initiative de Cosmetic Valley, en partenariat avec 4 clusters européens (Portugal, Roumanie, Espagne, Italie), le projet pilote Cosmetic4Well-Being a ainsi été retenu par la Commission européenne dans le cadre du programme COSME pour la compétitivité des PME. A travers un cluster européen, ESCP-4i (European Strategic Cluster Partnership-going international), il mettra en œuvre une stratégie d’accompagnement et d’internationalisation des PME de la cosmétique. D’une durée de 18 mois, il est doté d’un financement de 199.223 euros. C’est l’exemple même de ce qu’il faut faire.
3.Parfaire la qualité d’un maillage régional : en passant d’un simple pôle de territoire à un pôle de filière, mission confiée par l’État, la Cosmetic Valley a changé d’échelle et d’ambition. En s’appuyant sur son réseau de Domaines d’excellence stratégique territoriaux, les fameux DEST, elle a su identifier et spécialiser chacune des collectivités qui l’ont accompagnée. Elle a trouvé une nouvelle dimension avec la création d’antennes régionales, comme à Bordeaux ou à Caen, en développant des accords outre-mer autour de la cosmétopée, notamment en Polynésie, en ouvrant de premières négociations avec les régions PACA, Bretagne et Hauts-de-France, en coopérant avec des pôles complémentaires, comme Glass Valley/ Vallée de la Bresle. Elle doit pour poursuivre ce travail de réseau être confirmée, par ses efforts comme la reconnaissance des pouvoirs publics en tant que seul pôle stratégique français dans son domaine.
4.Digitaliser ses actions : le numérique, pour la parfumerie-cosmétique comme pour n’importe quel secteur industriel majeur, ne peut être un décor ou un… vernis. La numérisation des activités du pôle doit se poursuivre : big data, objets connectés, tutoriels. 10% de ses projets collaboratifs doivent désormais s’inscrire dans cette nouvelle économie concrétisée par un incubateur à Chartres installée avec la ville et la CCI d’Eure-et-Loir. Leur priorité doit se voir sur ses plateformes technologiques comme Cosmet’up. C’est pourquoi, comme un symbole, comme un signe, les startupers disposeront, en 2018, d’une place éminente au salon international Cosmetic 360, les 17 et 18 octobre prochains, au Carrousel du Louvre à Paris. Ainsi seront présentées 200 innovations venues de 56 pays, devant 5000 visiteurs, pendant que se dérouleront 170 rendez-vous d’open innovation sans oublier un extraordinaire hackathon sponsorisé par LVMH.
5.Densifier son tissu industriel : si l’expression « chasser en meute » recèle une agressivité qui n’est pas de mise, le pôle doit être chaque jour davantage l’outil grâce auquel les grands groupes appuient les PME et les startups (446 sont recensés dans le secteur de la parfumerie-cosmétique), les entraînent vers la connaissance et les marchés, la structure qui permet aux laboratoires publics de travailler en recherche fondamentale avec les laboratoires privés en recherche appliquée, à des concurrents de coopérer face à des rivaux étrangers souvent plus nombreux, parfois plus agiles, le label d’excellence qui attire entreprises et investissements étrangers sur notre sol formant un écosystème que, dans l’automobile, on appellerait un « tissu industriel à l’allemande ».
6.Consolider une indispensable indépendance financière : avec 70% de ressources privées (sans compter la valorisation du travail de ses administrateurs et adhérents), le pôle, depuis ses origines en 1994, a su faire face au désengagement financier progressif des pouvoirs publics et de certaines collectivités territoriales. Il doit donc continuer à développer ses recettes propres (salons, congrès, services) en veillant à conserver un fonds de roulement à la hauteur de ses engagements et à ne pas augmenter une masse salariale que cette prise de risque entrepreneuriale peut gonfler. Il ne lui faut pas pour autant négliger l’effet de levier réel des contributions publiques. Dans un contexte de compétition mondiale croissante, alors que d’autres pays, dont la Chine, la Corée, Taiwan, investissent massivement dans leur secteur cosmétique, il est important, dans une perspective de réforme fondamentale des pôles de compétitivité, qu’un cercle vertueux se mette en place entre public et privé, c’est-à -dire que l’Etat et les régions ne fassent pas disparaître leurs soutiens.
7.Intensifier les programmes de recherche : l’innovation et la performance sont l’ADN de la Cosmetic Valley. Elles doivent être sa signature pour l’avenir. Le pôle doit continuer à être la référence mondiale en matière d’inventions, de brevets, mais aussi d’audace, d’imagination et de jeunesse. Cela passe par la mutualisation des moyens et la coopération des intelligences entre tous ses acteurs. 350 projets de recherche collaboratifs ont été lancés par le pôle pour un montant de 400 millions d’euros et avec 540 partenaires impliqués : universités, laboratoires de recherche, grands groupes, PME. L’ambitieux programme de recherche et de formation Cosmetosciences, l’organisation des rencontres Connexions R&D dédiées aux échanges entre chercheurs publics et privés, et du concours international des Cosmetic Victories, en association avec l’ESSEC, le partenariat inédit dans le secteur cosmétique noué avec le CNRS, illustrent la qualité et le dynamisme des échanges entre acteurs de l’innovation au sein du pôle.
8.Communiquer mieux, autrement et plus rapidement : être leader donne des droits, mais entraîne des obligations. L’une d’entre elles est la transparence qui implique que le pôle fasse mieux connaître ses succès et ses projets, l’autre est la franchise qui devrait le conduire à prendre position sur les grands sujets qui mobilisent la profession. Sa présence dans les circuits d’information généralistes ou spécialisés doit s’affirmer. Sa capacité à publier des contenus doit se développer. Sa place sur les réseaux sociaux doit se faire plus visible. Son empreinte médiatique, au service de ses adhérents et de sa crédibilité collective, doit s’imprimer à la fois dans l’actualité et le long terme.
9.Se doter d’infrastructures adaptées : pour tenir son rang, le pôle doit se doter d’un siège à sa mesure. Après avoir intelligemment concédé l’ancien lycée Marceau à une grande école de Cosmétiques, la municipalité de Chartres propose à la Cosmetic Valley de s’installer, dans le respect des communautés éducatives, au sein du collège Jean Moulin, au pied de la cathédrale mondialement connue, et de se doter d’espaces de travail, de présentation, de colloques ou muséaux modernes qui correspondent à la réalité de son poids économique. C’est un grand chantier pour le Conseil d’Administration de l’association. Il est temps qu’il démarre.
10.Servir ses adhérents et en augmenter le nombre : ce dernier objectif sera le juge de paix et l’indicateur d’efficacité des 9 autres. A chaque conseil d’administration entre 20 et 30 candidatures sont proposées à l’adhésion. Des professions associées frappent à la porte de la Cosmetic Valley. Il faudra dans un dispositif de cotisations mesuré, profitant d’une équipe jeune, compétente, très sympathique, intelligente et dévouée, qui peut être séniorisée, leur proposer plus de services, plus d’opportunités, plus d’appuis et de soutiens, les former et les informer, les emmener à l’étranger ou leur proposer des sites de recherches adaptés. Le pôle doit être « une force qui va », surtout pas un géant impressionnant, mais immobile.
Marc-Antoine JAMET, président de COSMETIC VALLEY a déclaré : « Grâce à l’union des énergies et à des objectifs ambitieux, Cosmetic Valley est devenue le pôle de la filière et du secteur. Il s’est hissé parmi les meilleurs écosystèmes d’innovation français. De nouveaux défis nous attendent :  réussir le virage du digital, veiller à une montée en compétence de la filière, assurer le développement de la visibilité du pôle à l’international et surtout, dans un contexte de mondialisation toujours accrue des marchés comme de la concurrence, rivaliser de créativité, d’audace et d’innovation. Cette nouvelle feuille de route devra être mise en œuvre lors de la phase IV des pôles de compétitivité avec l’implication d’un maximum d’acteurs concernés, pour contribuer à maintenir la compétitivité et le leadership de la filière parfumerie-cosmétique française. C’est un enjeu que je souhaite que le Gouvernement n’oublie pas. De notre côté, nous devons sans attendre préparer l’avenir et les relèves, envisager les évolutions de notre pilotage et de notre gouvernance, accompagner notre croissance en nous adaptant à sa taille et à sa vitesse. »
12
AVR
2018
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« Vision ou télévision »
Je regrette profondément le ton et les partis-pris erronés du reportage consacré à Val-de-Reuil que France 2 a diffusé mercredi 11 avril dans son édition de 20 heures. Ils ne peuvent demeurer, notamment à l’égard des Rolivalois et compte tenu du mandat qu’ils m’ont confiés, pour mettre en œuvre la renaissance et le développement de notre Ville, sans réponses ni rectifications.
Il est clair que j’avais pleinement accepté la proposition de Mme Valérie Astruc, figure réputée de cette rédaction, de réaliser un sujet sur la plus jeune commune de France. Elle souhaitait le faire à la veille de la remise au Président de la République, M. Emmanuel Macron, d’un rapport sur la Politique de la Ville. Cela m’apparaissait pertinent compte tenu de la personnalité de son auteur, M. Jean-Louis Borloo, à qui je ne dirais jamais assez notre reconnaissance pour le soutien rapide, fort et concret qu’il nous a apporté.
Je le referais donc si cette journaliste me le demandait à nouveau. Parce que, plus que jamais, il est indispensable de ne pas ghettoïser les quartiers de la politique de la ville et de les réintégrer dans la vie de la Nation. Parce que je n’imagine pas qu’un tournage puisse se faire en démocratie sous un régime d’autorisation. Parce que je me fiais au discernement, au sens de la nuance, à la capacité d’évaluer les conséquences de ses actes et de ses propos, d’une professionnelle, chef de service adjoint du service politique de la première chaine publique de télévision française.
C’est dire mon étonnement, ma tristesse et ma déception lorsque j’ai découvert qu’elle avait choisi pour étayer sa démonstration un scénario digne de Dickens ou de Zola.
Il n’était pas indispensable (et naïf) de donner aussi largement la parole à une habitante malheureusement abonnée aux différents services de police pour représenter une population qui ne se reconnaît certainement pas en elle.
Il n’était pas nécessaire (et injuste) de s’attarder, sans les lui attribuer, sur les faillites du département de l’Eure (fermeture du collège Pierre Mendès France et débâcle d’Eure Habitat) sans évoquer les nombreuses réussites municipales.
Il n’était pas normal (et pas convenable) de laisser dire que « les gendarmes étaient partis » sans vérifier cette information, ni préciser que 100 policiers les avaient remplacés, que « les pompiers étaient partis » sans corriger cette affirmation fausse d’une très légère précision : les pompiers ont été regroupés dans une caserne… à Val-de-Reuil.
En définitive, ce reportage, loin de nous aider et de nous faire mieux connaitre, nous a décrits de manière caricaturale et, ce faisant, stigmatisés davantage.
Transformer une ville difficile qui progresse et qui relève la tête en ville qui sombre et l’accepte, c’était risquer de mettre à bas 15 ans d’efforts collectifs. C’est pourtant ce qui a été fait sans y réfléchir davantage.
Heureusement, la rage donne du courage, la colère de l’énergie et l’adversité de l’audace. On ne joue pas avec la pauvreté. On la combat. Malgré les obstacles, les oppositions et les ennuis, je ne me lasse jamais. Je ne renonce jamais. Je n’abandonne jamais. Je travaille. Beaucoup. Honnêtement. Je tire ma légitimité, ma crédibilité, mon efficacité des résultats que nous avons obtenus et auxquels nul autre ne serait parvenu. D’autres réussites viendront. L’avenir parlera pour Val-de-Reuil.
Communiqué de Marc-Antoine JAMET,
Maire de Val-de-Reuil,
Président de la Commission des finances de la Région Normandie.