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JUIL
2014
Même sans la catastrophe qu’il déchaîna sur l’Europe, cet été de 1914 nous serait demeuré inoubliable. Car j’en ai rarement vécu de plus luxuriant, de plus beau, je dirais presque de plus estival, jour après jour, le ciel resta d’un bleu de soie, l’air était doux sans être étouffant, les prairies parfumées et chaudes, les forêts sombres et touffues avec leur jeune verdure. Aujourd’hui encore, quand je prononce le mot été, je ne peux que songer involontairement à ces radieuses journées de juillet que je passai à Baden, près de Vienne. […] La veille de ce 29 juin, en clairs vêtements d’été, joyeuse, insouciante, la foule affluait dans le parc devant le kiosque à musique. La journée était douce ; le ciel sans nuages s’étendait au-dessus des larges couronnes des châtaigniers, et c’était un vrai jour à se sentir heureux. Les vacances approchaient pour les adultes, pour les enfants, et avec ce premier jour férié de l’été, c’était comme s’ils aspiraient par avance tout l’été avec son air plein de félicité, son vert nourri, son oubli des soucis quotidiens. J’étais assis à l’écart de la foule du parc et lisais un livre — je me souviens que c’était Tolstoï et Dostoïevski, de Merejkovski —, je le lisais avec une attention concentrée. […] J’interrompis involontairement ma lecture quand soudain la musique se tut au milieu d’une mesure. […] Instinctivement, je levai les yeux de mon livre. La foule qui se promenait entre les arbres comme une seule masse claire et flottante semblait elle aussi se transformer ; elle aussi interrompait subitement son va-et-vient. Il devait s’être passé quelque chose. Je me levai et vis que les musiciens quittaient leur kiosque. Cela aussi était singulier, car le concert durait d’ordinaire une heure ou plus. Il fallait que quelque événement eût provoqué cette interruption. En m’approÂchant, je remarquai que les gens se pressaient en groupes agités devant le kiosque à musique autour d’une communication qui, de toute évidence, venait d’y être affichée. C’était, comme je l’appris au bout de quelques minutes, la dépêche annonçant que Son Altesse impériale, l’hériÂtier du trône François-Ferdinand et son épouse, qui s’étaient rendus en Bosnie pour assister aux manÅ“uvres, y avaient été victimes d’un assassinat politique.
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